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Intervention de Caroline Nisand

Réunion du jeudi 23 mai 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Caroline Nisand, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse :

Comme vous, nous constatons que les acteurs du secteur travaillent en silos et que leur articulation est insuffisante. Le principe de subsidiarité n'est pas respecté, ce qui occasionne une judiciarisation excessive de la protection de l'enfance. En principe, pourtant, l'autorité judiciaire ne devrait intervenir que de manière résiduelle dans ce domaine. Or plus de 80 % des mineurs bénéficient d'une prise en charge sur décision judiciaire ; ce n'est pas sans conséquences sur le fonctionnement de la justice, ni sur les mesures proposées.

Les mesures ordonnées par l'autorité judiciaire sont mises en œuvre bien trop tardivement, voire ne sont pas exécutées – c'est dramatique. Cela conduit à demander à la PJJ des mesures d'investigation éducative, pour s'assurer que des éducateurs se rendent dans les familles et suivent les mineurs. Ces effets collatéraux sont régulièrement dénoncés par les magistrats des mineurs.

Le manque de places d'accueil a aussi des conséquences sur les décisions de l'autorité judiciaire : la solution optimale – placement, suivi en milieu ouvert – ne peut pas nécessairement être retenue.

Nous souffrons aussi d'un manque criant de statistiques uniformisées, qui permettraient de juger de l'efficacité de cette politique publique. Nous disposons, d'une part, des statistiques des départements, qui ne sont pas harmonisées, et d'autre part, de celles, très limitées, du ministère de la justice – le tout, sans interopérabilité. Le logiciel Parcours que nous déployons actuellement devrait nous offrir une meilleure visibilité, mais son implémentation demandera plusieurs années et implique une refonte des dispositifs de remontée des données. Là encore, nous sommes dépendants des crédits qui nous sont alloués.

Par ailleurs, les départements et la PJJ sont confrontés à une crise d'attractivité des métiers de la filière socio-éducative. Nous n'avons pas suffisamment de candidats aux concours, ce qui nous conduit à recruter des contractuels insuffisamment formés : ils sont 22 % au niveau national et peuvent atteindre 40 % à 45 % dans certains territoires, notamment dans les métiers de l'hébergement, les plus difficiles, qui requièrent du personnel aguerri. Cette situation constitue un risque pour les mineurs : il faut posséder un socle commun de connaissances pour leur offrir une prise en charge de qualité, d'autant qu'ils présentent de plus en plus de troubles mentaux, de problèmes de santé et d'addictions.

Dans un tel contexte, comment avancer ? Il ne suffit évidemment pas d'assister à des commissions – vous l'avez souligné –, même s'il est important que l'État soit représenté dans les instances de gouvernance nationale des dispositifs en question. Je suis cependant persuadée que c'est au niveau local que nous pouvons faire avancer les choses. Nos services déconcentrés s'efforcent d'assurer une présence dynamique de l'État dans les territoires, tout particulièrement dans les instances quadripartites, pleinement opérationnelles : elles sont l'occasion de dresser un état des lieux avec les départements, les magistrats du siège, ceux du parquet et la PJJ, de fixer des objectifs communs en matière de délais d'exécution des décisions de justice, d'identifier des dysfonctionnements et d'élaborer des solutions. Tous les départements n'en sont malheureusement pas dotés. Nous élaborons un décret qui vise à institutionnaliser ces commissions quadripartites, afin qu'elles se tiennent partout de manière régulière – idéalement, quatre fois par an –, sans dépendre du bon vouloir des départements. Nos services déconcentrés œuvrent résolument en ce sens.

Nous misons aussi beaucoup sur les CDPE, qui, pour le moment, sont expérimentés dans dix départements. Ils ont le mérite de mobiliser les acteurs des commissions quadripartites, mais aussi le préfet, le président du conseil départemental, divers acteurs du champ de la protection de l'enfance et les agences régionales de santé (ARS) – la présence de ces dernières étant essentielle pour mieux prendre en charge les problèmes d'addictions et de santé mentale.

Il nous paraîtrait utile d'unifier les observatoires départementaux de la protection de l'enfance et les CDPE ; la gouvernance de ces instances y gagnerait en lisibilité.

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