Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Caroline Nisand

Réunion du jeudi 23 mai 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Caroline Nisand, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse :

La DPJJ est l'une des cinq directions du ministère de la justice. Elle est composée d'une administration centrale et de services déconcentrés présents sur l'ensemble du territoire national, organisés en neuf directions interrégionales. Elle comporte 228 établissements et services du secteur public, 965 établissements et services associatifs habilités et 9 232 professionnels, dont 55 % d'éducateurs. Nous avons la chance d'avoir une École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) avec onze pôles territoriaux de formation. Grâce à cette organisation, la DPJJ dispose à la fois d'une vision globale à l'échelle nationale et d'une vision au plus près des réalités du terrain.

La DPJJ est chargée de l'ensemble des questions qui intéressent la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre. Il est important de préciser que la justice des mineurs concerne à la fois les mineurs en danger, c'est-à-dire la justice civile dans le cadre de la procédure d'assistance éducative, et les mineurs qui ont commis des actes de délinquance, c'est-à-dire la justice pénale. Ces deux champs d'intervention ont de nombreux points communs que la DPJJ rappelle avec constance. En effet, nous promouvons une conception large de la notion de protection de l'enfance, qui englobe à la fois le volet pénal et le volet civil, contrairement aux oppositions caricaturales qui sont parfois faites entre les deux.

Les missions de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont régies par le décret du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, lequel a été modifié en 2017. Elle a pour mission de concevoir les normes et le cadre d'organisation de la protection des mineurs, en lien avec les directions compétentes. Elle garantit une aide aux décisions de l'autorité judiciaire, soit directement, soit par son secteur associatif habilité, par le biais des mesures d'investigation que ses services exercent au civil et au pénal. Elle assure directement, dans ses établissements et services, la prise en charge des mineurs sous main de justice par le biais de mesures éducatives ou de peines. Elle garantit à l'autorité judiciaire, par le contrôle, l'audit et l'évaluation, la qualité de l'aide aux décisions et celle de la prise en charge, quel que soit le statut des services et des établissements sollicités – outre le secteur public, il existe en effet un secteur associatif habilité (SAH). Le décret du 25 avril 2017 précise qu'elle anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance ; cette mission est d'autant plus essentielle que l'autorité judiciaire joue un rôle croissant dans la protection de l'enfance. Enfin, elle conduit la politique de formation de l'ENPJJ, seule école de l'État spécialisée dans la protection judiciaire de l'enfance et de l'adolescence.

Aux côtés des départements, qui sont chefs de file en la matière, la DPJJ joue un rôle important dans la mise en œuvre de la politique de protection de l'enfance. Premièrement, elle joue un rôle normatif. Elle a piloté les travaux d'élaboration des dispositions qui relèvent de la justice des mineurs dans la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », et elle a rédigé le décret du 2 octobre 2023 portant diverses dispositions en matière d'assistance éducative. Deuxièmement, elle joue un rôle de pilotage et de gouvernance de la politique publique de protection de l'enfance : elle participe à toutes les instances nationales et locales de gouvernance, aux côtés des autres acteurs concernés, dont la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), les autres administrations centrales, les départements et les associations. Troisièmement, elle est directement concernée par le prononcé et la mise en œuvre des mesures en matière de protection de l'enfance, puisqu'elle est pourvoyeuse de plus de 80 % de ces mesures.Au sein du ministère de la justice, la DPJJ est l'interlocutrice privilégiée des juridictions pour mineurs, avec lesquelles elle entretient des rapports réguliers, sous différents formats : d'une part, par le biais d'une communication descendante, en leur adressant régulièrement des notes et des circulaires et en publiant une newsletter destinée aux magistrats de la jeunesse pour les informer de l'actualité en la matière ; d'autre part, par le biais d'une communication ascendante, puisqu'elle fait remonter chaque année, en vertu du code de l'organisation judiciaire, les rapports d'activité des tribunaux pour enfants. Nous tirons de ces derniers un état des lieux de l'activité des juridictions pour mineurs, de leurs difficultés et des évolutions souhaitables. Nous entretenons aussi des échanges directs avec les juridictions pour mineurs au sein de différents groupes de travail, avec les magistrats du siège et ceux du parquet. Enfin, nous organisons les rencontres de la justice des mineurs, événement national annuel qui permet un lien direct avec les juridictions.

Les services de la PJJ exercent directement des mesures d'assistance éducative. Il s'agit des mesures judiciaires d'investigation éducative (Mjie), soit dans le secteur public, soit dans le secteur associatif habilité et, de manière plus résiduelle puisque les départements sont à la manœuvre, des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), notamment pour un public vulnérable. En effet, la PJJ a une expertise reconnue concernant les mineurs non accompagnés et les mineurs de retour de zone d'opérations de groupements terroristes.

Nous participons aussi à l'élaboration des grands plans nationaux en matière de protection de l'enfance : le plan de lutte contre les violences faites aux enfants, la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel et l'exploitation sexuelle, etc.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs qui agissent au service de la protection de l'enfance. Nous œuvrons notamment pour soutenir les associations et les structures de la protection de l'enfance et pour permettre aux services déconcentrés de bénéficier de leur action.

Le rôle de la PJJ en matière de protection de l'enfance a tendance à croître. Si, à partir de 2010, les missions exercées par les services déconcentrés ont été recentrées sur le champ pénal – à l'exception des Mjie, des AEMO et des mesures de protection judiciaire des jeunes majeurs –, de nouveaux textes ont renforcé la compétence de la PJJ en matière de protection de l'enfance. Le décret du 25 avril 2017, en indiquant qu'elle « anime et contrôle l'action du ministère public en matière de protection de l'enfance », lui confie un rôle clé dans l'animation de cette politique publique auprès des parquets.

Le plan stratégique national (PSN) formalise les grandes orientations de la PJJ pour la période 2023-2027. Le premier axe de ce plan est l'affirmation de la place de la PJJ dans la coordination de la justice des mineurs. Une note d'orientation publiée le 12 décembre 2023 réaffirme la place de la PJJ comme interlocuteur privilégié des juridictions des mineurs, en assistance éducative comme au pénal.

La meilleure preuve de la part croissante de la PJJ dans la protection de l'enfance est sa participation aux travaux actuels relatifs aux données statistiques de la protection de l'enfance et sa participation aux groupes de travail État-départements, dont un certain nombre sont copilotés par la DPJJ et la DGCS. La protection de la jeunesse étant de plus en plus judiciarisée, il est important que le ministère de la justice puisse donner sa vision des choses et que le dialogue entre les départements et l'autorité judiciaire soit approfondi, pour le bien des enfants pris en charge.

Voilà un bref panorama des missions de la DPJJ en matière de protection de l'enfance. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.