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Intervention de Sébastien Bourget

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Sébastien Bourget, associé-gérant de Quaero Capital SA et président de Quaero Capital (France) SAS :

Nous investissons aux côtés de TIIC, partageant la même activité et la même conviction concernant le projet de l'A69. Quaero Capital est une société de gestion d'actifs indépendante possédant 2,7 milliards d'euros d'encours. Fondée en 2005 en Suisse, son siège est établi à Genève et ses bureaux répartis entre Paris, Luxembourg, Londres et Zurich. Nous exerçons notre activité avec l'agrément de l'Autorité des marchés financiers en France, de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers en Suisse et de la Financial Conduct Authority au Royaume-Uni. Notre activité consiste à gérer des fonds confiés par des investisseurs institutionnels pour les investir, pour leur compte, dans des thématiques prédéfinies. Celle qui nous intéresse aujourd'hui est le financement d'infrastructures en Europe, avec une part importante en France. Dans le domaine des infrastructures, nous gérons environ 1,5 milliard d'euros. Notre stratégie est de financer des projets de petite et moyenne dimension à travers l'Europe, auxquels nous apportons nos fonds d'actionnaires. Ces opérations, qui rencontrent des besoins de financement importants, sont pourtant relativement délaissées par la plupart des acteurs français et internationaux, qui préfèrent se concentrer sur les opérations de grande taille. En règle générale, nous investissons quelques dizaines de millions d'euros dans les projets auxquels nous participons, qui représentent eux-mêmes quelques centaines de millions d'euros de coûts de travaux. Du fait de sa dimension, le projet de l'A69 s'inscrit donc pleinement dans notre stratégie.

Notre stratégie d'investissement consiste, d'autre part, à prioriser le financement de nouvelles infrastructures, qu'il s'agisse de constructions ou de réhabilitations. Nous prenons des risques, car nous ne pouvons pas nous appuyer sur les certitudes d'une infrastructure préexistante. Nous investissons dans divers secteurs afin de répondre à des besoins d'investissement massifs, en France et en Europe. À titre d'exemple, nous avons contribué au déploiement de la fibre optique dans les zones rurales de la région Grand Est. Nous investissons massivement dans la transition énergétique et dans le développement d'infrastructures de réutilisation de l'eau, permettant aux industriels de prélever moins d'eau dans le milieu naturel et d'en réutiliser davantage. Notre développement dans le financement d'infrastructures s'inscrit dans la continuité des politiques publiques initiées au début des années 2000. À la suite des crises financières de 2007 et 2012, l'objectif était de relancer nos économies en soutenant l'investissement dans l'économie réelle, notamment par le développement et la modernisation des réseaux d'infrastructures. Ces projets stimulent en effet l'activité économique à court terme durant la construction en mobilisant une main-d'œuvre importante. Par exemple, le chantier de l'A69 mobilise aujourd'hui plus de 800 compagnons, et ce sont bientôt plus de 1 200 qui seront sur le chantier. Ces projets dynamisent également l'activité économique à moyen et long terme. Le projet d'A69 facilitera ainsi l'accès à un bassin de vie de 140 000 habitants et de 50 000 emplois, qui n'était pas encore raccordé à sa métropole par une autoroute.

Il est nécessaire, pour comprendre les raisons de notre investissement dans ce dossier, de rappeler le contexte dans lequel il s'est développé. Le dossier de consultation est né au cours de l'été 2020, et nous avons remis notre offre à l'État en février 2021, en pleine pandémie, alors que l'économie française connaissait une récession d'une brutalité sans précédent. Cette crise a révélé l'importance des voies logistiques et les inégalités d'accès aux services publics entre les aires urbaines et les territoires ruraux. C'est dans ce contexte compliqué que nous avons choisi de nous impliquer, en France, dans le projet de l'A69. Compte tenu de la situation, nous avons dû effectuer des projections, et avons ainsi mené des études économiques sur l'économie locale et sur des évolutions structurelles telles que l'essor du télétravail. Les conclusions nous ont convaincu de la valeur ajoutée du projet d'A69. Deux autres éléments sont venus conforter notre intérêt : le gain de temps de parcours et le flux libre. Le développement de cette autoroute en flux libre en fait une autoroute de nouvelle génération, car cela diminue son emprise et, grâce à la suppression des barrières de péage, nous évitons les surconsommations et les rejets polluants à ces barrières. Leur absence conforte également l'idée d'un gain de temps de parcours, car le flux libre permet au trafic de suivre son cours, et évite les ralentissements aux heures de pointe.

Je souhaite ensuite présenter la façon donc nous avons formé notre groupement et travaillé avec nos partenaires durant l'appel d'offres. Traditionnellement, les appels d'offres publics sont considérés avec intérêt par les grandes entreprises du secteur de la construction. La plupart d'entre elles sont cotées en bourse, disposent de bilans solides, et sont capables de financer ces opérations sur leur bilan. À leurs côtés, se trouvent des entreprises de taille intermédiaire, qui, si elles possèdent une expertise forte, disposent de ressources financières restreintes, qui les conduisent à s'associer avec des fonds d'infrastructures comme les nôtres, qui les accompagnent en apportant des fonds propres. Ces acteurs forment des groupements qui combinent expertise industrielle et financière, ce qui amplifie la concurrence dans les projets d'appel d'offres en élargissant le cercle des participants au-delà des seuls acteurs finançant ces opérations sur leur bilan. C'est cette logique que nous avons suivie pour le dossier de l'A69. Les collectivités et l'État peuvent alors sélectionner l'attributaire de la consultation au terme d'une compétition rendue plus intense par la diversité des acteurs impliqués.

Notre groupement s'est formé en 2018, lorsque le projet a été déclaré d'utilité publique. En 2019, nous avons rapidement entamé des discussions avec NGE, Ascendi et TIIC pour élaborer une candidature. Ayant collaboré avec NGE sur le déploiement de la fibre optique, et avec Ascendi sur le dossier de la route Centre-Europe Atlantique, nos équipes se connaissaient bien. Le volume de fonds d'actionnaires à mobiliser, particulièrement élevé, a justifié l'implication de deux fonds d'investissement, Quaero et TIIC, pour collaborer sur ce dossier.

Sur la répartition du capital : les industriels se sont partagé 40 % du capital, et nous avons partagé le reste avec TIIC, nous engageant initialement à hauteur de 30 % chacun. Le fait que les industriels soient actionnaires des projets représente pour nous un gage de robustesse et crée un alignement d'intérêts qui a permis de concevoir l'équilibre des participations durant l'appel d'offres.

Sur les montants de fonds d'actionnaires que nous avons apportés, au moment de la signature de la convention de concession, nous nous sommes engagés à hauteur de 45 millions d'euros. En août 2023, nous avons cédé 5,3 % de notre participation à Tarn Sud Développement, comme l'ont fait les autres actionnaires initiaux. À ce jour, notre engagement s'élève donc à 42,5 millions d'euros, pour un total de fonds d'actionnaires de 149 millions d'euros. Ayant apporté 28,4 % des fonds d'actionnaires, nous détenons donc 28,4 % des droits de vote, conformément à l'alignement complet entre la quote-part du capital et celle des droits de vote.

Vous nous avez également interrogés sur l'existence de clauses de recapitalisation en cas de déficit d'exploitation. Si la convention de concession ne prévoit pas d'engagement spécifique sur ce point, le plan de financement est robuste et capable de supporter une dégradation significative du trafic. Nous assumerons notre responsabilité d'actionnaires, comme nous l'avons déjà fait face à des difficultés sans précédent. Au moment de notre offre initiale, nous prévoyions d'engager 103 millions d'euros de fonds d'actionnaires, avec une enveloppe de sécurité qui n'avait pas vocation à être utilisée. Toutefois, en raison du contexte macroéconomique dégradé, notamment du fait de la guerre en Ukraine, et des difficultés liées à la période du covid, qui ont entraîné une inflation imprévue et une hausse des taux d'intérêt, nous avons dû augmenter cette enveloppe initiale à 149 millions d'euros. Cela représente 35 % des financements privés, incluant la dette bancaire et les fonds d'actionnaires. Ce volontarisme témoigne de notre engagement à soutenir le dossier et à achever la construction, désormais bien avancée.

Nous avons également évoqué le sujet de la forme que prennent les fonds d'actionnaires. Ils se composent de 80 % de dettes d'actionnaires et de 20 % de capital social. Dans les faits, ces deux instruments présentent le même degré d'engagement et le même niveau d'exposition au risque pour les actionnaires. Si nous utilisons la dette d'actionnaires, c'est en raison de sa plus grande souplesse de fonctionnement en période de construction, tant pour l'injection des fonds que pour leur rémunération. La rémunération de cette dette est fixée à 6 %, soit environ 2 % de plus que la dette bancaire. Cet écart s'explique par le fait que le remboursement de la dette bancaire est prioritaire, tandis que la dette d'actionnaires est subordonnée.

Une autre question portait sur la rémunération à la mise en service, liée au fait qu'aucun actionnaire ne perçoive d'intérêts durant la période de construction. Le plan de financement prévoit donc un paiement ponctuel de 4,1 millions d'euros à la mise en service, correspondant à la date de mise en exploitation. Cette somme a été dimensionnée en appliquant un taux d'intérêt de 1,2 % aux fonds d'actionnaires injectés durant la période de construction. Ce mécanisme de paiement unique à la mise en service permet de limiter le coût de portage des fonds d'actionnaires pendant les premières années du projet et de réduire son coût global.

Enfin, sur la politique de distribution, la trésorerie est allouée en priorité au coût du projet, puis au remboursement des banques. Si le trafic et les recettes sont suffisants, les actionnaires peuvent espérer des distributions entre la mise en service et 2034, bien que l'essentiel de la trésorerie durant cette période soit alloué aux banques. À partir de 2034, aucune distribution n'est possible avant le complet remboursement des banques. En résumé, nous investissons nos fonds avant d'utiliser la dette bancaire, alors que notre rémunération n'intervient que tardivement, car la capacité financière est d'abord affectée au coût du projet, puis au remboursement des banques. Cet engagement fort de la part des actionnaires a permis de convaincre les banques de contribuer au projet à hauteur de 275 millions d'euros, dont 85 % proviennent de banques françaises. Nous avons également pris soin d'associer les caisses locales, montrant ainsi notre volonté d'impliquer les acteurs économiques du territoire. Cette mobilisation importante de la dette bancaire et des fonds d'actionnaires a permis de limiter le besoin de subventions publiques pour ce projet.

La société qui porte notre participation dans Atosca se nomme QEIF II Development Holding et possède une structure juridique luxembourgeoise. Cela s'explique par le fait que ces structures sont connues des investisseurs européens, qui sont moins coutumiers des structures de fonds françaises. Nous avons donc choisi cette structure pour faciliter l'arrivée des investisseurs dans nos fonds. Les investisseurs français représentent néanmoins une part importante, puisque 50 % des capitaux sont apportés par des investisseurs institutionnels français, tels que des mutuelles de santé, des compagnies d'assurance et des caisses de retraite. Le solde est exclusivement apporté par des investisseurs institutionnels européens, avec une proportion importante provenant de la Banque européenne d'investissement. Notre fonds a également investi dans quinze participations au sein de secteurs variés et, pour faciliter la supervision du portefeuille, il était logique de rassembler ces participations sous une société-mère qui les porte, QEIF II Development Holding. Cette organisation ne nous procure aucun avantage particulier, comparativement à une structure de fonds française. Son seul mérite est d'être connue des services administratifs et juridiques des investisseurs européens non français, ce qui facilite leur participation dans nos fonds. Il est important de souligner que la société de gestion du fonds, Quaero Capital France SAS, dont je suis le président, est française et exerce son activité avec l'agrément de l'Autorité des marchés financiers.

Pour conclure, l'autoroute A69 a été souhaitée par l'État, qui a confié la responsabilité de sa mise en œuvre à Atosca. En tant qu'actionnaires, nous avons à cœur de mener à bien ce projet. Nous sommes conscients que si cette autoroute est contestée par certains, elle est également attendue par d'autres, et qu'il s'agit du lot commun des projets d'infrastructures utiles.

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