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Intervention de Manuel Ravara-Cary

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Manuel Ravara-Cary, gérant de TIIC 2 SCA SICAR :

Nous apprécions cette invitation, car nous croyons à la nécessité d'un débat équilibré et apaisé sur ce projet.

TIIC est une société d'investissement paneuropéenne et indépendante, qui se consacre au financement des infrastructures. Depuis notre création en 2008, nous avons acquis une forte expérience dans ce secteur, avec une expertise particulière sur les projets de taille moyenne. Notre vocation est de nous impliquer sur l'ensemble du territoire européen. Nous apportons, à tous les projets d'infrastructures européens auxquels nous participons, une approche opérationnelle, en nous appuyant sur les compétences de nos équipes en gestion et en finance. Ces compétences ont été développées pendant de nombreuses années auprès des principaux opérateurs d'infrastructures et établissements de financement de projets en Europe. Comme toutes les sociétés d'investissement, nous fonctionnons par l'intermédiaire de différents fonds, dans lesquels nos souscripteurs investissent. Les activités de ces fonds se concentrent sur l'investissement dans les infrastructures de transport et les infrastructures sociales. Les investisseurs sont, pour la plupart, des investisseurs institutionnels, à l'image de la Banque européenne d'investissement. Nous investissons également, sous forme de concessions, dans l'autoroute A150, dans l'incubateur pépinière hôtel d'entreprises (IPHE), un incubateur d'entreprises présent sur le plateau de Saclay, et dans le train de la Mure, situé dans le département de l'Isère. Plus globalement, le groupe TIIC possède une expérience significative dans le secteur des infrastructures routières et autoroutières, ayant investi dans neuf projets routiers et autoroutiers au total à travers l'Europe, dont deux en France, l'A150 et l'A69. Du fait de notre histoire et de nos expériences, les projets de concession représentent la majorité des projets dans lesquels nous investissons. Avant de nous engager sur un projet, nous procédons à une évaluation approfondie, sous la forme d'une analyse précise basée sur plusieurs critères, tels que la nature de l'investissement, sa taille, la rentabilité attendue et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) du projet. Plus globalement, nous tenons compte du secteur, de la géographie et du stade de développement.

Il me semble utile de vous expliquer la façon dont nous sommes arrivés, pour l'A69, dans le groupement d'entreprises et le rôle que nous y jouons. Nous avons été approchés par l'entreprise NGE pour constituer un groupement en amont de l'appel d'offres lancé par le ministère des transports. L'objectif était de réunir toutes les compétences techniques et financières nécessaires pour y répondre. Le projet de l'A150 ayant été une première occasion de travailler avec NGE, nous étions naturellement intéressés par les projets créant des partenariats durables et avions l'envie réciproque de collaborer. Lors de la constitution du groupement pour l'A69, nous souhaitions donc échanger sur un nouveau partenariat, nos compétences étant totalement complémentaires. De ce fait, un protocole de groupement a été signé en juillet 2019.

Il est important de vous expliquer la façon dont se forme un groupement dans le cadre d'une candidature. L'objectif étant de réunir les expertises et les compétences à travers des partenaires industriels et financiers, certains groupements disposent de la capacité, de l'expertise et surtout des fonds propres pour concourir par eux-mêmes. Nous intervenons dès lors qu'il existe un besoin de créer une équipe composée d'acteurs complémentaires. Notre savoir-faire consiste à accompagner des acteurs industriels sur le volet financier des projets. C'est dans ce cadre que nous participons à un groupement. La constitution d'une équipe pour candidater, qui prend la forme d'un groupement plutôt que d'une société où chacun est actionnaire, tient compte de la complémentarité et de l'apport de chacun dans un projet, sous la coordination d'un mandataire, en l'occurrence NGE. Les partenaires industriels sont chargés de concevoir le projet, tandis que les partenaires financiers contribuent principalement à la construction économique et financière. Pour toutes les phases du projet, c'est NGE qui, en tant que mandataire, était chargé de piloter et de coordonner l'ensemble du groupement. Notre implication a principalement consisté à mener, avec les autres membres du groupement, l'ensemble des analyses et études, de trafic, et de négocier la structure de financement avec les partenaires bancaires et les établissements prêteurs. Dès que le groupement est retenu et que la phase de réalisation du chantier commence, c'est la société concessionnaire Atosca, dont nous sommes actionnaires, qui est chargée de la gestion.

Le règlement de l'appel d'offres exigeait que la société concessionnaire soit créée spécifiquement pour le projet de l'autoroute A69. Ce schéma est aujourd'hui courant, notamment pour les appels d'offres de concessions d'autoroutes. Dans un groupement comme celui-ci, les acteurs doivent trouver le meilleur équilibre entre les différents partenaires, industriels d'une part et investisseurs d'autre part, sous la coordination du mandataire. Les acteurs industriels s'organisent pour définir la meilleure manière de construire le projet, en se concentrant particulièrement sur les aspects de concession et de construction, tandis que les partenaires financiers se concentrent principalement sur le volet économique et financier du projet. Les investissements ayant pour vocation de permettre à des acteurs industriels de répondre à une candidature, nous sommes complémentaires en permettant à ces acteurs de candidater, quand d'autres candidats peuvent s'autofinancer. La répartition correspond donc à la capacité contributive de chacun. Logiquement, nous assumons une majorité de l'apport et supportons le projet et, en conséquence, le risque financier, à proportion égale. Lors de la constitution d'Atosca, TIIC a pris l'engagement d'apporter des fonds propres dans la phase de construction, à hauteur d'environ 45 millions d'euros. À la mise en service, ces fonds propres se décomposent en 9 millions de capital et 36 millions de dettes subordonnées d'actionnaires. En août 2023, TIIC a cédé une part de sa participation, soit 5,3 % du capital et de la dette subordonnée d'actionnaires qu'il détenait dans Atosca, à Tarn Sud Développement. À ce jour, l'engagement de TIIC vis-à-vis d'Atosca est donc d'apporter un total de 42,5 millions d'euros, décomposés, à compter de la mise en service, en 8,5 millions de capital et 34 millions de dettes subordonnées. Nous sommes également actionnaires de la société Tarn Sud Développement, ce qui nous permet de participer aux assemblées générales d'entreprises.

Vous nous interrogez sur les raisons d'un financement principalement par prêts subordonnés plutôt que par une participation plus élevée au capital social d'Atosca. Les deux possibilités présentent le même degré d'engagement et de prise de risque de la part des actionnaires. Les financements en fonds propres ou quasi-fonds propres impliquent une prise de risque similaire à celle d'une participation plus importante au capital social d'Atosca. Ce modèle correspond à un schéma classique. Nous fonctionnons en cascade de trésorerie. Le remboursement des prêts subordonnés intervient, en effet, après le remboursement des prêts établis auprès des banques.

Ce schéma vise également à optimiser la durée de la rémunération des actionnaires. Il s'agit d'un modèle optimisé pour le concédant et les acteurs publics. La rémunération à travers le modèle classique unique à compter de 2045 aurait mécaniquement augmenté le niveau de subvention publique, ainsi que les tarifs. Dans notre dossier de candidature, nous avons proposé au concédant la mobilisation de 149 millions d'euros par le biais d'un investissement en fonds propres et quasi-fonds propres des actionnaires. Ce modèle permet de minimiser le recours à la subvention d'équilibre. En effet, cela nous a permis de contracter des prêts à hauteur de 275 millions d'euros auprès des établissements prêteurs. Le capital social d'Atosca est aujourd'hui de 10 000 euros. À compter de la mise en service de l'A69 à la fin de 2025, 20 % des prêts subordonnés d'actionnaires seront transformés en capital social, ce qui l'élèvera à 30 millions d'euros. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas, dans la convention de concession, de clauses de recapitalisation automatique. L'importance des fonds propres apportés par les actionnaires permet d'assurer la solidité nécessaire pour envisager l'avenir et, le cas échéant, se prémunir contre des scénarii dégradés. Parmi les critères d'attribution choisis par les services de l'État, figure la robustesse financière et économique.

Sur la rémunération des prêts subordonnés, la mobilisation des fonds propres via l'investissement en capital social a permis de réduire la subvention d'équilibre, conformément à la proposition contenue dans notre candidature. Dans ce schéma, avant de commencer le chantier et avant que les banques n'acceptent le premier tirage sur la dette, les actionnaires transfèrent leurs fonds propres. Nous avons effectué un investissement avant les banques. Nos prêts en tant qu'actionnaires sont subordonnés aux prêts bancaires et comportent un risque bien plus important. C'est pourquoi la rémunération de 6 % est logiquement plus élevée que pour les prêts bancaires, dont le taux est de 4,6 %. Enfin, les intérêts sur les dettes subordonnées d'actionnaires ne sont payés que si la situation financière de la société le permet, en fonction du trafic effectif.

Durant la période de construction, les actionnaires ne reçoivent aucun paiement d'intérêts. La rémunération complémentaire des actionnaires, dont vous faites mention, sera payée par les prêteurs et non par les fruits d'exploitation. Les banques ne permettant pas de rémunération pendant la période de construction, il s'agit d'une forme de contrepartie. Le versement de 4,1 millions d'euros n'aura lieu qu'à condition que la mise en service soit effective et à compter du moment où toutes les sommes dues aux constructeurs auront été payées. C'est une logique similaire qui régira la politique de distribution d'Atosca aux actionnaires, qui dépend principalement des résultats d'exploitation de la concession, par définition inconnus à ce jour. Les moyens d'Atosca doivent lui servir prioritairement à assurer son intérêt social, c'est-à-dire le service public autoroutier, avec une continuité d'exploitation. En outre, Atosca doit honorer les contrats de financement bancaire, c'est-à-dire rembourser les dettes contractées pour la construction, intérêt et principal. Enfin, dans le respect des limites fixées par les contrats de financement bancaire, Atosca peut verser les intérêts de la dette subordonnée avant de verser les dividendes. Elle interviendra à la fin de la cascade de trésorerie et sera donc également, en grande partie, subordonnée au remboursement de la dette, les établissements prêteurs étant naturellement prioritaires. Il s'agit d'un schéma standard sur ce modèle de concession, dans lequel se matérialise le risque pour les actionnaires, et donc le rendement attendu. La prise de risque est au cœur de notre modèle. Par conséquent, le rendement attendu dépend du trafic réalisé, et donc des résultats d'exploitation de l'entreprise.

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