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Intervention de Guillaume Marrel

Réunion du mardi 21 mai 2024 à 13h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur le rôle local et l'ancrage territorial des parlementaires

Guillaume Marrel, professeur de science politique à Avignon Université :

La politique est un métier, mais est-ce une profession, qui nécessiterait une formation, supposerait de passer une sorte de concours, de présenter un certain niveau de diplôme, etc. ? Évidemment non. Le suffrage universel, la liberté de candidature, plaident contre ces formes de représentation. Pour autant, la « routinisation » de la vie parlementaire, le jeu des élections et l'institutionnalisation des partis politiques ont conduit à des effets de professionnalisation et de spécialisation très importants, pour des personnes qui consacrent leur vie entière à faire de la politique, à vivre de la politique. La distinction de Max Weber entre « vivre pour » la politique et « vivre de » la politique n'existe plus aujourd'hui en pratique. Actuellement, ceux qui vivent pour la politique vivent de la politique, parfois longtemps. Certains – c'est ce qu'on appelle « la deuxième professionnalisation » – ne font rien d'autre dans leur vie professionnelle à la suite de leurs études : ils entrent en politique à l'université ou dans les grandes écoles et ne quittent jamais cet espace, ce qui contrevient – comme le cumul dans le temps – au principe de la rotation démocratique.

La politique est un métier qui nécessite néanmoins des compétences et une expérience, et l'une des grandes questions à poser concernant la connexion des élus avec le terrain et sa reconnaissance est la suivante : quelle expérience souhaite-t-on pour les acteurs de la vie politique française, au niveau local comme national ? Quel tempo politique faut-il adopter ? Quel délai de renouvellement de la classe politique faut-il instaurer ? Faut-il stabiliser un certain nombre de fonctions, pour que la représentation nationale soit suffisamment expérimentée pour jouer son rôle face au pouvoir exécutif ou face à l'administration ?

J'ai très récemment fait soutenir une thèse sur les expériences de non-rééligibilité menées dans plusieurs États des États-Unis – les term limits. Le projet consistant à limiter le nombre de mandats dans le temps – pour les parlementaires, mais aussi au niveau municipal –est porté par un certain nombre de groupes politiques depuis les années 1990. Il faisait partie des grandes réformes institutionnelles annoncées par le président Macron, avant d'être abandonné. Il faut faire attention à ce sujet ; empêcher un certain nombre d'acteurs d'exercer durablement la représentation nationale, au-delà de deux, trois ou quatre mandats successifs, c'est aussi la fragiliser, en limitant l'expérience parlementaire face aux autres pouvoirs, aux pressions d'autres institutions, aux lobbies. La question de la reconnexion est liée à celle de l'expérience.

J'espère que vous avez prévu d'auditionner Étienne Ollion, qui fait partie des chercheurs importants concernant le renouvellement de la classe politique. Il a notamment montré qu'en 2017, les vrais « novices », qui n'avaient jamais fait de politique et n'avaient jamais été élus, étaient en réalité très minoritaires. Ils ont été totalement marginalisés et, pour la plupart, ne se sont pas représentés en 2022. Les nouveaux parlementaires élus en 2017 étaient généralement plutôt des élus locaux, qui ont ainsi bel et bien suivi un cursus honorum. Il est bon selon moi que le renouvellement de la vie parlementaire s'incarne dans des élus locaux, déjà expérimentés. La question du cumul des mandats revient à se demander s'il faut que cette expérience locale perdure durant le mandat national : faut-il rester élu local pour exercer correctement son mandat parlementaire, alors qu'on dispose déjà d'une expérience parfois longue de plusieurs mandats locaux, dans plusieurs institutions – municipales, départementales, régionales ? De mon point de vue, seule importe l'expérience ; le cumul des mandats constitue un autre débat.

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