Notre mission d'information sur le rôle local et l'ancrage territorial des parlementaires débute aujourd'hui ses travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean Garrigues, professeur émérite à l'université d'Orléans, président du Comité d'histoire parlementaire et politique, qui participera à nos travaux en visioconférence en raison du mouvement social qui touche les transports ferroviaires ; M. Guillaume Marrel, professeur de science politique à Avignon Université, présent également en visioconférence ; et M. Nicolas Roussellier, historien, professeur des universités à Sciences Po et à l'École Polytechnique.
Monsieur Garrigues, vous êtes l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, dont nombre sont consacrés au Parlement. Le dernier s'intitule Les Grands discours qui ont marqué la France. Vous avez dirigé une Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, qui constitue une référence incontestable pour quiconque s'intéresse à cette institution à laquelle nous sommes tous attachés.
Monsieur Marrel, votre thèse intitulée L'élu et son double portait notamment sur le cumul des mandats, et vous avez récemment participé à l'ouvrage collectif Nouvelle sociologie politique de la France et à ses développements consacrés à cette question.
M. Roussellier, votre thèse s'intitulait Le Parlement de l'éloquence – nous tâcherons modestement de mettre nos pas dans ceux de nos prédécesseurs. Vous êtes également l'auteur de La force de gouverner : Le pouvoir exécutif en France, XIXᵉ-XXIᵉ siècles.
Messieurs les professeurs, vous ne me contredirez sans doute pas si j'affirme qu'il est toujours bon de savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va. À cet égard, votre audition sera pour nous l'occasion d'entrer dans le sujet par son versant historique. Elle nous permettra de remettre en perspective des thèmes qui – et c'est peut-être un oxymore – ont été d'une actualité immuable depuis la constitution d'assemblées délibérantes dans le cadre du régime républicain.
Quel lien l'élu national – et singulièrement le député – peut-il et doit-il entretenir avec le territoire – avec son territoire ? Quel rôle peut-il valablement y jouer, lui qui représente la nation toute entière et personnifie l'intérêt général ? En détournant un peu le concept, peut-on considérer qu'il y aurait « deux corps du député » – un corps « national » et un corps « territorial » – comme il y avait, en d'autres temps et sous d'autres régimes, deux corps du roi ?
Le sujet que nous abordons ici, à l'initiative de Mme Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, est aussi ancien que le Parlement de la Cinquième République. Toutefois, l'altération actuelle de l'identification des citoyens à leur institution le rend particulièrement prégnant. Bridé en 1958, le Parlement a engagé, avec la révision constitutionnelle de 2008, une évolution qui doit se poursuivre, et dans laquelle les députés ont toute leur place.