Poursuivre la dématérialisation de l'état civil des Français établis hors de France, tel est l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Disons-le d'emblée : les Français établis hors de France la jugent prioritaire.
D'une part, cette proposition touche au lien fondamental entre eux et la nation, à savoir la gestion de leur état civil et de leur existence administrative. D'autre part, elle dessine de réelles perspectives d'amélioration de cette gestion, sachant que nos compatriotes se trouvent parfois dans une situation dramatique du fait de leur pays de résidence.
Nous sommes tous d'accord, l'expérimentation de la dématérialisation de l'état civil est loin d'avoir atteint tous ses objectifs. Pourtant, son bilan est d'ores et déjà positif : le service central d'état civil a délivré plus de 1 million de copies et extraits d'actes aux usagers en 2022, dont 99,5 % ont été remis à leurs demandeurs grâce au registre d'état civil électronique créé par cette expérimentation.
Pour de nombreuses catégories d'usagers, les délais de délivrance ont ainsi été considérablement raccourcis, passant de trente à trois jours, voire de trois mois à trois jours.
Pour autant, nous pouvons regretter que quatre des cinq objectifs fixés par la loi n'aient pas été atteints ni évalués dans le rapport d'inspection de décembre 2023. Que dit ce rapport ? Qu'outre la sous-estimation de la complexité du projet et le retard pris en raison de la pandémie de covid-19, c'est le manque de moyens humains et financiers qui n'a pas permis d'atteindre plus rapidement les objectifs fixés. Oui, si l'objectif est louable et ambitieux, les moyens le sont beaucoup moins : nous devons être attentifs à cette affirmation, tant elle reflète la réalité d'une administration qui doit quotidiennement faire face au manque de moyens.
Qu'a-t-on appris ces dernières années de la gestion des actes d'état civil de nos compatriotes établis à l'étranger ? Que nous faisons encore trop peu et pas assez vite. Que ce soit au Burkina Faso, au Niger ou au Sénégal, je suis souvent interpellé par nos compatriotes en difficulté dans des procédures d'état civil.
Le projet de dématérialisation doit être pensé pour réduire les délais, mais il ne doit pas servir à masquer un tel manque de moyens humains dans les postes que la demande de nos compatriotes en matière de création – et non de délivrance – d'actes d'état civil n'est plus convenablement satisfaite.
En l'occurrence, les officiers d'état civil doivent posséder une connaissance locale et fine des différents types d'états civils étrangers pour mener à bien un travail complexe. Un pays comme le Liban, où j'ai eu l'honneur de servir comme consul général, ne compte pas moins de dix-huit registres différents, chacun pouvant être source de transcription d'actes d'état civil. Le rapport d'évaluation des ministères le dit : la dématérialisation totale, permettant même la création d'actes d'état civil complexes, n'est pas encore à notre portée.
Les ressources humaines sont donc indispensables, mais nous ne pouvons que constater leur insuffisance dans les postes consulaires. Chaque déplacement dans ma circonscription, ou encore à Madagascar, où je me suis rendu pour préparer un rapport pour la commission des finances, est l'occasion de le confirmer. Certains consulats accusent des retards importants dans des transcriptions d'actes d'état civil ; celles-ci prennent parfois plusieurs années et de tels délais peuvent avoir des conséquences dramatiques pour nos compatriotes établis à l'étranger ou pour les équipes consulaires. Là, c'est un enfant qui ne peut entrer à l'école maternelle parce que ses parents attendent la transcription de son acte de naissance depuis trois ans ; ailleurs, ce sont des levées d'actes qui ne peuvent être réalisées, car elles nécessitent le déplacement d'agents consulaires dans des mairies lointaines, si tant est que le poste de ces agents existe encore.
Partout, j'ai rencontré des équipes exsangues, en situation de sous-effectif structurel. Leur situation semblerait inconcevable si elle menaçait un service public opérant en territoire français.
Au demeurant, l'amélioration de l'état civil n'est pas la seule demande des concitoyens résidant à l'étranger. Les Français habitant Niamey au Niger, Fianarantsoa à Madagascar, Bobo Dioulasso au Burkina Faso ou encore Saint-Louis du Sénégal souhaitent par exemple voter lors des prochaines élections européennes, mais n'ont pas accès aux bureaux de vote, dont le nombre, comme celui des représentations consulaires françaises, a diminué. La procédure de vote électronique, valable pour les élections consulaires ou législatives, n'a pas été prévue dans le cas des élections européennes ou présidentielles. Quand bien même c'eût été le cas, cette modalité de vote est largement perfectible, je peux en témoigner.
La dématérialisation complète de la procédure de procuration électorale n'est pas proposée aux Français établis hors de France, alors qu'elle l'est aux Français vivant dans le territoire national.
Compte tenu de ces éléments, nous devons nous assurer que les Français établis hors de France percevront bien les gains que peut offrir cette dématérialisation, grâce à l'allocation de moyens humains et budgétaires supplémentaires, tant à Nantes que dans notre réseau. J'espère que vous pourrez rassurer la représentation nationale à ce sujet.
Nous voterons favorablement à ce texte, qui permet une avancée essentielle, qu'il faut maintenir et encourager. Nous appelons à renforcer, chers collègues, les capacités de nos postes en matière d'accueil et de traitement des actes d'état civil. Les Français de l'étranger sont en droit de recevoir de la République la même considération que celle dont jouissent leurs concitoyens établis sur le territoire national.