Je tiens tout d'abord à remercier Mme Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et son président François Patriat, d'avoir pris l'initiative de ce texte, voté en première lecture le 14 mai dernier au Sénat. Je remercie plus généralement les sénateurs pour leurs contributions.
Ce texte propose de poursuivre une expérimentation législative menée depuis 2019 par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Sans nouveau vote du Parlement, elle prendrait fin le 10 juillet prochain, alors qu'elle s'inscrit pleinement dans la lignée du mouvement de simplification engagé par le Président de la République et qui constitue aujourd'hui une priorité du Premier ministre. Dans son discours de politique générale, celui-ci faisait de la simplification et de la débureaucratisation un axe majeur de sa feuille de route.
En 2018, l'ambition de cette expérimentation était la même qu'aujourd'hui : dépoussiérer notre vieil état civil, fait de registres papier et de documents envoyés par courrier, et simplifier les démarches administratives de millions de Français libérés du carcan bureaucratique grâce à la dématérialisation et à la numérisation progressive de leur état civil. Il s'agissait également d'en finir avec les coûts liés à cette bureaucratie excessive – achat de papier, frais d'envoi postal, coût de transport et d'archivage des registres.
Avec les progrès technologiques récents et les développements en matière de signature électronique, le recours au papier n'est tout simplement plus nécessaire pour garantir l'authenticité d'un document. Il nous faut donc reconsidérer les modes d'établissement, de mise à jour, de délivrance et de conservation des documents d'état civil. Dématérialiser ces actes est un chantier complexe – peut-être encore davantage en 2018 qu'aujourd'hui.
Il y a six ans, la sensibilité des données imposait de prendre toutes les garanties nécessaires pour s'assurer de la viabilité de cette transformation. Le choix de passer par une phase d'expérimentation relevait donc de l'évidence, tout comme celui de la confier au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Celui-ci a en effet l'habitude de proposer aux Français de l'étranger ce type d'expérimentation, devenant ces dernières années un laboratoire du service public de demain. Entre autres innovations et mesures de modernisation, on peut relever le vote par internet ou le renouvellement à distance des passeports, inauguré au Canada et au Portugal en mars dernier. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères détient le plus grand fonds d'état civil en France – plus de 16 millions d'actes. Le service central d'état civil situé à Nantes conserve tous les actes d'état civil des Français qui sont nés, se sont mariés ou sont morts à l'étranger. Ce ministère était donc le candidat idéal pour mener cette expérimentation lancée en juillet 2019.
J'en profite pour rendre hommage à la détermination et à l'efficacité de mes prédécesseurs, Jean-Baptiste Lemoyne et Olivier Becht, ministres délégués de Jean-Yves Le Drian et de Catherine Colonna, appuyés par les autres ministères, sans qui ce travail n'aurait pu être mené.
Cinq ans après le début de l'expérimentation, il est temps de faire le bilan de la délivrance dématérialisée des copies et extraits d'actes d'état civil et de la création d'actes d'état civil électroniques.
S'agissant de la délivrance dématérialisée des copies d'actes d'état civil, la réussite de l'expérimentation est sans appel. Les députés représentant les Français de l'étranger, que je salue, et dont les retours ont été précieux, abonderont dans mon sens. L'administration a réalisé des économies importantes, dans une période de forte contrainte budgétaire. La diminution du recours au courrier postal a permis de se passer de onze postes de travail et d'économiser 1,3 million d'euros par an en achat de papier, d'enveloppes, et en affranchissement.
Ce bilan est surtout sans appel pour l'usager. Avant cette expérimentation, l'envoi par voie postale prenait cinq jours si vous viviez en France. Si vous résidiez à l'étranger, c'était une tout autre histoire : selon votre lieu de résidence, votre courrier arrivait parfois en quinze jours, voire en un mois – s'il arrivait ! La dématérialisation de la délivrance permet désormais à l'usager, peu importe où il se trouve, de recevoir une copie de son acte en trois jours en moyenne. C'est un délai plus court que ce que les mairies de France sont en mesure de proposer.
Les usagers ont bien saisi l'intérêt de cette démarche. En 2023, ils ont été plus de 93 % à avoir eu recours à la dématérialisation et, depuis 2021, plus de 2,5 millions de documents signés électroniquement ont été délivrés. Pour ne pas léser nos concitoyens attachés au contact humain, qui sont souvent nos anciens, nous maintenons évidemment l'accueil téléphonique, ainsi que la possibilité de solliciter l'envoi papier des copies et extraits d'actes.
Ce dispositif est simple, efficace et emblématique de notre stratégie de simplification administrative. L'article 1
Le bilan du second volet de l'expérimentation – l'établissement d'actes d'état civil électroniques – est tout aussi prometteur. Les économies obtenues grâce à l'arrêt de la création de registres papier sont estimées à terme à plus de 1,5 million d'euros par an. Les nouveaux outils de dématérialisation feront gagner un temps précieux aux agents. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a établi en janvier 2024 les premiers actes d'état civil électroniques.
Un travail important est encore à mener pour généraliser la création et la mise à jour électroniques des actes. Plusieurs facteurs ont rendu ce chantier plus long que prévu. La crise sanitaire a certes mis en lumière la pertinence de ce chantier, mais elle a aussi freiné les développements informatiques. Le volume des données et la mise en production de fonctionnalités supplémentaires ont ralenti le projet.
La complexité technique et la sensibilité des données d'état civil nous ont conduits à renforcer les standards de sécurité. Les mesures de protection de ces données sont multiples – cloisonnement, réplication des sauvegardes dans un système d'archivage électronique sécurisé, traçage des accès et des modifications. Ces chantiers sont coûteux mais indispensables ; ils permettent d'apporter toutes les garanties nécessaires à la protection des données, à des niveaux de sécurité jamais atteints par le papier. Le contexte politique et la récente multiplication des cyberattaques nous obligent à renforcer cette protection.
Achever l'expérimentation de dématérialisation de l'état civil est un objectif majeur de la politique de simplification portée par le Gouvernement. Le texte examiné aujourd'hui étend la période d'expérimentation de trois ans, ce qui sera suffisant. Les développements pourront ainsi être achevés et déployés dans l'ensemble de notre réseau consulaire.
Lors des débats au Sénat, j'ai émis le souhait que le Gouvernement puisse, dans les prochains mois, présenter les avancées de l'expérimentation aux élus des Français de l'étranger, afin qu'ils puissent s'assurer que les opérations de dématérialisation sont conformes aux engagements pris en matière de calendrier et de services rendus à l'usager.
Je salue le travail mené en commission, et M. le rapporteur pour son engagement sur ce texte.
Le vote de cette proposition de loi est une étape nécessaire pour inscrire dans le droit commun la délivrance d'actes dématérialisés et ainsi conserver les bénéfices déjà constatés par les administrations et les usagers au-delà du 10 juillet prochain.
Ce vote permettra aussi de mener à bien la création du registre d'état civil électronique, deuxième étape de ce vaste et ambitieux chantier de modernisation de notre vieil état civil, qui s'inscrit pleinement dans l'ambition du Président de la République et du Premier ministre d'accélérer la simplification administrative.