Les ingérences étrangères sont une menace sérieuse que la France ne peut pas prendre à la légère. Ces opérations visent à manipuler notre opinion publique, à déstabiliser notre société, et à fragiliser notre économie et la confiance dans nos institutions – dans notre démocratie. L'actualité ne cesse d'en témoigner. Ces ingérences peuvent prendre des formes multiples : cyberattaques, campagnes de désinformation, interférences dans les universités – et j'en passe. Et elles ne font que s'accentuer, en particulier à l'approche des échéances électorales. Nous ne pouvons pas rester aveugles face à ces attaques. C'est pourquoi le groupe Écologiste partage pleinement l'intention de ce texte.
Je veux saluer une nouvelle fois le travail de la délégation parlementaire au renseignement, dont le rapport a servi de base au texte que nous examinons. Le Parlement doit encore renforcer ses prérogatives sur ces questions régaliennes. Évidemment, ce texte à lui seul ne suffira pas à nous protéger contre toutes les ingérences étrangères. Nous devons nous intéresser à l'information, à sa pluralité et à son indépendance, ainsi qu'au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Il ne s'agit pas d'isoler la France, mais de ne pas être naïfs sur tous les moyens qui peuvent servir à nous déstabiliser.
Sur le fond, le texte contient des mesures pertinentes. Nous sommes particulièrement favorables au renforcement de la transparence des activités d'influence. La création d'un répertoire dédié sous le contrôle de la HATVP était une mesure attendue, qui permettra aux décideurs publics d'être informés des intérêts que poursuivent leurs interlocuteurs. La navette parlementaire a permis d'enrichir ce dispositif. Les moyens humains accordés à la Haute Autorité doivent suivre et être à la hauteur des nouvelles missions qui lui sont confiées. Nous soutenons également le renforcement de l'information du Parlement en matière d'ingérences étrangères. L'organisation régulière d'un débat parlementaire est essentielle pour que chacun puisse prendre la mesure des enjeux.
Nous étions plus réservés sur l'extension de la technique de l'algorithme aux cas d'ingérence étrangère. Nos doutes portaient sur le champ d'application du dispositif, mais le débat en séance publique a finalement permis de dissiper nos inquiétudes. Il aurait néanmoins été judicieux d'attendre le rapport d'évaluation, promis en juillet, avant de légiférer sur ces techniques.
Si nous avions soutenu le texte en première lecture, l'article 4 bis ajouté par le Sénat nous semble quelque peu hors cadre. Nous ne sommes pas opposés à des sanctions plus sévères en cas d'ingérence étrangère – nous avions d'ailleurs soutenu l'article 4 sur le gel des avoirs –, mais toute la difficulté est de définir strictement ce que l'on cherche à sanctionner. Or cette rigueur semble disparaître dans l'article 4 bis . La définition retenue est problématique en ce qu'elle est incomplète : elle recouvre des comportements qui ne relèvent pas nécessairement de l'ingérence étrangère.
Servir les intérêts d'une entité étrangère, ce n'est pas nécessairement faire acte d'ingérence. L'ingérence suppose une volonté de nuire aux intérêts de la France. C'est la définition que nous avions retenue pour le gel des avoirs, et c'est le critère qui est utilisé pour délimiter les délits de trahison et d'espionnage. Je vous renvoie au chapitre 1
Pour le dire autrement, l'article 4 bis ajouté par les sénateurs Les Républicains tient du mélange des genres. C'est, je le crois, un cavalier législatif qui emporte des conséquences que nous n'avons pas eu le temps de mesurer. Si nous avions eu la possibilité d'amender le texte, nous aurions limité le motif d'aggravation de la peine aux cas d'ingérence. Le fait qu'une organisation soit enregistrée dans un autre pays ne suffit pas, à lui seul, à démontrer l'ingérence. Le déclenchement de la procédure accélérée nous prive de cette faculté d'amendement, je le regrette, mais c'est souvent le cas pour les textes que nous étudions. L'urgence est l'ennemie de la précision dans ce genre de texte, et c'est bien dommage. Notre démocratie doit pouvoir se protéger, mais elle ne peut le faire que dans le respect très strict des libertés fondamentales et des libertés publiques. C'est la raison pour laquelle le groupe Écologiste s'abstiendra sur le vote final de ce texte.