Permettez-moi, pour commencer, de saluer à distance le président Houlié et de le féliciter.
« Ce qui caractérise les nouveaux conflits de notre siècle est sans doute le brouillage entre une conflictualité ouverte, explicite et une malveillance répétée, systémique, pernicieuse. La guerre ne se déclare plus, elle se mène à bas bruit, insidieusement, elle est hybride ». Comment ne pas souscrire à cette analyse du Président de la République, lors de ses vœux aux armées l'année dernière ? Hybride et pernicieuse, la menace d'ingérences s'intensifie année après année, dans un contexte international toujours plus tendu, complexe et instable. En témoignent les récentes tentatives de déstabilisation, soupçonnées d'avoir été commanditées depuis l'étranger, telles que les mains couvertes de sang sur le mur des Justes à Paris ou encore les cercueils déposés aux pieds de la tour Eiffel.
Face à ce qui est perçu par les puissances étrangères comme de la naïveté et du déni, il est urgent d'agir. En effet, selon plusieurs rapports parlementaires, le niveau de la menace d'ingérences étrangères se situe à un stade élevé. Il est urgent que la France se donne les moyens de les empêcher et de les sanctionner.
Comme le souligne l'excellent rapport de la délégation parlementaire au renseignement, qui a inspiré la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, démêler le vrai du faux entre l'influence et l'ingérence n'est pas toujours chose facile, tant la frontière peut se révéler ténue. Il existe pourtant une différence majeure : tandis que l'influence est motivée par un désir de rayonnement, l'ingérence renvoie à une action malveillante, qui vise à porter atteinte aux intérêts fondamentaux d'un pays et à sa souveraineté, dans toutes ses dimensions – politique, juridique, militaire, économique et technologique.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de se donner les moyens de faire face à cette menace difficilement identifiable et lancinante. La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, que le groupe Horizons et apparentés a pleinement soutenue, prévoit de consacrer 5 milliards d'euros supplémentaires au renseignement, soit un doublement du budget des différents services.
Outre les moyens financiers, il faut donner les moyens juridiques aux services de l'État de mieux identifier et sanctionner ceux qui se livrent à de telles activités sur notre territoire.
Tout d'abord, il faut détecter davantage et mieux identifier. Nous soutenons pleinement les dispositions prévues aux articles 1 et 3, qui visent respectivement à créer un répertoire des représentants d'intérêts étrangers et à élargir la technique de renseignement dite des algorithmes aux ingérences étrangères. Prévue à titre expérimental, celle-ci permettrait aux services de renseignement de mieux détecter les comportements susceptibles de révéler une menace pour les intérêts fondamentaux de la nation.
Je sais que l'élargissement du champ des finalités liées à l'utilisation des techniques algorithmiques soulève des interrogations. Toutefois, rappelons que les algorithmes utilisent exclusivement des données de connexion, sans recueillir d'autres informations que celles qui répondent à leurs paramètres de conception et sans permettre l'identification des personnes auxquelles les données de connexion se rapportent. Leur objectif consiste donc à agir à la manière d'un tamis sur les flux de données de connexion, afin de produire des alertes susceptibles de révéler l'existence d'une menace. L'algorithme n'est pas un outil de surveillance de masse, mais de détection de signaux faibles, qui pourra ensuite justifier l'usage d'une technique de renseignement, dans le cadre du droit commun. C'est pourquoi nous souscrivons pleinement à une extension du champ des finalités de cette procédure, à titre expérimental, afin d'y inclure la suspicion d'ingérence.
Ensuite, il faut mieux sanctionner. Le groupe Horizons et apparentés estime que face à une menace protéiforme, il est indispensable de disposer d'un panel de sanctions élargi. La sanction financière est, nous le savons, efficace et nécessaire. C'est pourquoi il nous semble pertinent d'élargir la possibilité de geler les avoirs financiers des personnes qui participent à ce type de manœuvres déstabilisatrices.
Enfin, je tiens à saluer le travail de nos collègues sénateurs, qui a permis de compléter les missions de la HATVP en matière de lutte contre les ingérences, en particulier s'agissant des reconversions professionnelles, ou encore d'aggraver les peines encourues en cas d'ingérences étrangères et d'autoriser le recours aux techniques spéciales d'enquête.
Cette proposition de loi devrait recueillir l'assentiment de l'ensemble des groupes parlementaires : il y va de notre souveraineté politique, économique et technologique. C'est donc avec conviction que notre groupe votera en faveur de la proposition de loi.