En novembre dernier, nous avons découvert des étoiles de David taguées sur des façades d'immeubles à Paris et en banlieue. Le service de l'État Viginum a pu identifier un lien avec un réseau russe responsable de la diffusion de photos et de son amplification artificielle. Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, cette opération d'ingérence numérique russe visait à semer la confusion et à créer des tensions dans le débat public en France. Ceci n'est qu'un exemple des ingérences étrangères qui se multiplient. Grâce à internet, aux réseaux sociaux, à l'intelligence artificielle, ou par le recrutement d'élites politiques ou économiques, ils tentent de déstabiliser et de polariser les sociétés d'États rivaux comme la France.
La France a pris conscience de cette menace tardivement. Le rapport d'activité de la délégation parlementaire au renseignement, publié en novembre 2023, alarme en effet sur la naïveté de la France quant à la menace que représentent les ingérences étrangères pour notre souveraineté nationale. Il souligne notre vulnérabilité face à ces menaces, et la nécessité de renforcer notre arsenal juridique et opérationnel.
La proposition de loi reprend les orientations de la DPR, et notre groupe tient à saluer cette initiative. Elle doit nous permettre de renforcer notre dispositif de prévention et d'entrave aux ingérences étrangères ainsi que d'améliorer l'information des responsables publics et des élus sur la nature de leurs interlocuteurs étrangers. Le texte crée pour cela un registre public répertoriant les acteurs qui influent sur la vie publique française pour le compte d'une puissance étrangère. Les personnes concernées devront s'enregistrer auprès de la HATVP et seront soumises à une série d'obligations déontologiques. Un décret pris en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), devrait fixer les modalités de mise en œuvre de ce répertoire afin qu'il entre en vigueur en juillet 2025.
Pour mieux lutter contre les ingérences, la proposition de loi crée donc un régime de contrôle, qui permet à la HATVP de faire usage de ses pouvoirs d'enquête et de mise en demeure.
Au cours de la navette parlementaire, l'article 1
À ce titre, il était nécessaire de soumettre également les think tanks et les instituts aux obligations de déclaration des financements reçus auprès de la HATVP, tant il est vrai que certains États n'hésitent pas à passer par les universités et les centres de recherche pour mener leurs activités d'influence.
L'article le plus décrié est sans doute celui qui concerne l'expérimentation, pendant trois ans, de l'usage de la technique de l'algorithme afin de lutter contre les ingérences étrangères. Alors que cette technique n'est, pour l'heure, autorisée que pour lutter contre le terrorisme, elle pourra désormais être utilisée pour prévenir toute forme d'ingérence étrangère. Au bout de deux ans d'expérimentation, le Gouvernement devra remettre au Parlement et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement un rapport afin d'évaluer les conséquences de l'élargissement de ce dispositif sur la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, nous aurions souhaité que ce dispositif soit également soumis au regard de la Cnil – dont acte ; ce point n'est pas bloquant pour le groupe Démocrate.
Ensuite, un article bienvenu propose d'intégrer les ingérences étrangères dans le périmètre de la procédure des gels d'avoirs, pour l'instant limitée à la lutte contre le terrorisme. Il est accompagné d'un dispositif pénal, qui crée une circonstance aggravante lorsqu'une atteinte aux biens ou aux personnes est commise pour le compte d'une entité étrangère. Il permettra également de recourir aux techniques spéciales d'enquête, pour assurer une continuité entre les services de renseignement et l'autorité judiciaire.
Enfin, un débat annuel sur l'intelligence économique se tiendra au Parlement, à l'initiative du Sénat. Ce débat devra prendre en considération la publication du rapport annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France et le respect des engagements des investisseurs. C'est la première fois que ce terme est inscrit dans la loi et qu'il fera l'objet d'un débat – je me félicite de cette prise de conscience de nos deux chambres.
Ce texte était nécessaire. La lutte contre toutes les ingérences étrangères, y compris économiques, avait besoin d'être encadrée. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi, élaborée dans la plus grande sérénité avec le Sénat, et nous remercions le président et rapporteur Houlié de cette initiative.
Redisons-le avec force : le débat au Parlement sur l'intelligence économique est une vraie nouveauté législative, attendue de longue date. À titre personnel, je me réjouis de ce débat que je demandais depuis longtemps et j'y prendrai toute ma part. Le groupe Démocrate soutiendra donc ce texte et le votera sans réserve.