La guerre informationnelle fait rage et les crises multiples que nous avons traversées ces dernières années – covid 19, invasion russe de l'Ukraine – ont rendu les populations plus vulnérables à la désinformation. La démocratie, en recul dans le monde, compte de plus en plus d'adversaires. Ces adversaires ont compris que l'un des moyens d'affaiblir la démocratie consistait à attaquer notre système informationnel. En distillant par tous les moyens la désinformation, ils cherchent à perturber le débat public, qu'ils polarisent et radicalisent.
En France, nous avons constaté ces ingérences durant les campagnes présidentielles de 2017 et de 2022. Ces derniers mois, nous les avons reconnues : je pense aux cercueils déposés devant la Tour Eiffel, il y a quelques jours, aux mains rouges taguées sur le mur des Justes du mémorial de la Shoah, il y a quelques semaines, aux étoiles de David peintes sur des façades d'immeubles, il y a quelques mois.
À la veille d'élections cruciales pour le destin de l'Europe, il me semble important de rappeler que ces opérations de manipulation, souvent commanditées, ont pour seul but d'influencer le vote des citoyens, afin d'affaiblir et de déstabiliser notre démocratie.
Depuis plusieurs années, le Gouvernement travaille à la construction d'un véritable bouclier démocratique, au niveau français, avec le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), créé en 2021 ; et au niveau européen, avec le règlement sur les services numériques (Digital Services Act) qui impose aux grandes plateformes de réseaux sociaux de lutter activement contre la désinformation.
Je tiens à remercier le président et rapporteur de la CMP, Sacha Houlié, la rapporteure, Constance Le Grip, et tous ceux qui se sont associés à ce travail sur la question essentielle des tentatives d'influence et d'ingérence étrangères.
Cette proposition de loi permet aux Français d'être dûment informés des activités ordonnées ou dirigées, au travers de mandataires, par des puissances étrangères, afin d'influencer le débat public. L'article 1er propose la création d'un registre sous la responsabilité de la HATVP, qui a vocation à recenser les représentants d'intérêts étrangers en France. Je remercie les parlementaires d'avoir enrichi la disposition en commission, en définissant précisément et de manière proportionnée les activités d'influence, et en circonscrivant strictement le dispositif aux personnes qui agissent pour le compte de puissances étrangères.
Le deuxième volet du texte vise à lutter contre les tentatives d'ingérence étrangères, qui se distinguent de l'influence en ce qu'elles sont malveillantes et illégales. Pour les faire échouer, nous avons besoin d'un bouclier démocratique : des moyens de détection pour identifier les manœuvres informationnelles et des dispositifs de traitement pour dissuader les auteurs, en supprimant leurs comptes sur les réseaux sociaux notamment.
En autorisant la mobilisation des techniques algorithmiques de traitement de données en sources ouvertes, l'article 4 donne aux services de renseignement les moyens d'anticiper, de détecter, de caractériser et d'attribuer des opérations de manipulation de l'information. Le but est clair : il s'agit de protéger l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire, la défense nationale, les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et, plus largement, de prévenir toute forme d'ingérence étrangère.
Le Gouvernement salue également l'initiative des parlementaires qui ont introduit un article ouvrant la voie à un renforcement des sanctions et des peines applicables à l'encontre des personnes ayant attenté aux biens et aux personnes pour le compte d'une puissance étrangère. Cette disposition, dissuasive pourra, au besoin, être rapidement appliquée.
Alors que la démocratie est attaquée, de l'intérieur comme de l'extérieur, il est crucial de renforcer notre arsenal et de disposer des outils nécessaires pour faire face aux tentatives d'influence et d'ingérence étrangères, qui se sont hélas multipliées à vive allure ces derniers mois. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères les surveille avec attention, et le ministre, Stéphane Séjourné, s'implique personnellement dans ce dossier. Je remercie encore une fois le rapporteur de la CMP, la rapporteure, les commissaires et l'ensemble des députés qui se sont investis dans l'examen de cette proposition de loi.