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Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du lundi 3 juin 2024 à 21h30
Accompagnement des malades et de la fin de vie — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Nous en arrivons donc au point de bascule, après lequel nous ne saurons plus vraiment où nous arrêter. Nous en avons fait l'expérience en commission, où de nombreuses limites ont déjà été dynamitées.

Il existe aujourd'hui des soins et des lois de fraternité qui permettent de faire face aux difficultés liées à la fin de vie. Ne nous y trompons pas, cependant : notre débat ne porte pas essentiellement sur les ultimes moments de la vie. La loi initiale allait déjà bien plus loin et ne concernait pas uniquement celles et ceux qui vont mourir ou qui en expriment la volonté.

Le débat porte sur notre rapport collectif à la vie elle-même, à la souffrance et à la mort – pas uniquement à la sienne propre. C'est bien l'ensemble du corps social qui est ici convoqué.

Certains s'agacent de ce débat, parfois douloureux parce que nos angoisses y apparaissent à vif et nos émotions à nu, parce qu'il réveille des expériences et des drames. J'aimerais leur dire qu'il est indispensable d'accepter qu'un député partage ses interrogations – c'est d'ailleurs tout à son honneur – lorsqu'il estime que nous nous engageons dans une mauvaise voie.

Il ne s'agit pas simplement de traiter des requêtes individuelles en considérant que cela n'enlèverait rien aux autres. Chacun est concerné par la question posée, par le sort de l'autre. Sinon nous ne formerions plus, ensemble, une même humanité. Le choix que nous devons faire nous engage toutes et tous. Il est porteur de sens.

Norbert Elias disait : « Il n'est pas toujours très facile de montrer à des êtres qui sont en route vers la mort qu'ils n'ont pas perdu leur signification pour les autres. » Cependant, y renoncer, c'est donner la victoire à la solitude. Roland Gori écrit : « L'œuvre de sépulture se révèle constitutive de l'humanité dans l'homme. […] L'œuvre de sépulture se révèle comme une manière de s'y prendre avec la mort, mais la mort au cœur même de toute vie. Notre manière de mourir – autant que notre façon de nous y prendre pour accompagner les vivants en train de mourir – révèle le relief anthropologique d'une culture. »

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