Une image vaut parfois plus que mille mots. Une image, en particulier, symbolise le courage et la volonté du peuple géorgien face au recul démocratique et libéral dont il est la victime aujourd'hui, celle de Nana Malachkhia brandissant un drapeau européen, face aux puissants canons à eau de la police anti-émeute. Le mardi 7 mars 2023, à Tbilissi, aucune image n'incarnait mieux l'aspiration des Géorgiens à se battre pour rejoindre l'Union européenne, mais aussi leur rage contre le gouvernement qui menaçait de réduire cet espoir à néant. À Tbilissi, en 2023, en 2024, on se fait tirer dessus parce que l'on brandit un drapeau européen, symbole d'un avenir meilleur, démocratique, libéral où règne de l'état de droit. On vit la même situation qu'à Kiev, en 2014, à Maïdan. La vaillance du peuple géorgien a fait reculer le parti au pouvoir, une première fois. Mais le retrait, par le parti majoritaire Rêve géorgien, du projet de loi sur l'influence étrangère, le 9 mars 2023 n'était qu'un leurre.
Le statut de pays candidat à l'Union Européenne a été reconnu à la Géorgie en décembre 2023. Il incombe dès lors au Gouvernement des responsabilités, celles de mener les réformes nécessaires du système judiciaire et électoral, de renforcer la liberté de la presse ou encore de mettre un terme au pouvoir des oligarques et, en particulier, à celui de Bidzina Ivanichvili. Les instances européennes, ont, malgré la dérive illibérale que nous connaissons, accordé ce statut à un pays qui a longtemps été en avance en matière d'État de droit et de lutte contre la corruption. Mais l'Union Européenne a aussi la responsabilité de hausser le ton si la Géorgie ne se remet pas rapidement dans la voie de la démocratisation, car le processus d'intégration doit être exigeant avec les pays candidats.
Une fois la pression populaire et internationale retombée et le statut de d'État candidat à l'adhésion octroyé par le Conseil européen, le parti Rêve géorgien s'est empressé de déposer à nouveau, en avril 2024, son projet de loi sur l'influence étrangère. Ce texte, calqué sur le modèle russe, a été adopté en troisième lecture le 14 mai 2024. La présidente Géorgienne, Salomé Zourabichvilli, élue au suffrage universel direct, a mis son veto sur cette loi, affirmant, je la cite « qu'elle était russe dans son essence, contredisant clairement la Constitution géorgienne ».
Mes chers collègues, ce texte est malheureusement le dernier épisode en date d'une dérive illibérale. Je citerai le projet de révision constitutionnelle contre la propagande LGBT, le rejet du contrôle de l'intégrité des juges, ou l'emprisonnement, nous le savons, dans des conditions intolérables, de l'ancien président Saakachvilli. Cette dérive illibérale du gouvernement géorgien, sous l'influence de Moscou, représente une double peine pour son peuple qui soutient à 80 % l'intégration européenne. En effet, elle le condamne au recul démocratique et l'éloigne tragiquement de son espoir européen. Votre soutien, que j'espère unanime, serait un signal fort de la représentation nationale française envers les dizaines de milliers de manifestants pacifiques, défendant dans les rues de Tbilissi, les valeurs démocratiques et la destinée européenne de la Géorgie.
Votre vote affirmerait au peuple géorgien le soutien indéfectible de la France quant à ses aspirations européennes légitimes et à son souhait de vivre dans un pays prospère, libre, luttant contre la corruption, protecteur des droits de l'homme et respectueux de l'indépendance des médias. Notre assemblée suivrait le modèle d'autres assemblées européennes, telle l'assemblée de Lituanie qui a fait adopter aujourd'hui une résolution similaire.
Enfin, votre soutien enverrait un message clair au gouvernement géorgien. Le maintien de cette loi altérerait définitivement les progrès démocratiques menés par la Géorgie au cours des vingt dernières années, et gèlerait fermement toute avancée de cet État dans son processus d'adhésion à l'Union européenne. Alors qu'une nouvelle dynamique d'élargissement est en cours depuis quelques années, avec l'Ukraine, la Moldavie et les Balkans occidentaux, la Géorgie se condamne à rester au bord du chemin malgré l'aspiration de l'immense majorité de sa population. Chers collègues, le cœur de l'Europe bat à Tbilissi aujourd'hui comme il battait à Maïdan, en 2014, et comme il bat toujours en Moldavie. Je compte sur votre soutien.