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Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du mardi 7 mai 2024 à 17h00
Commission des affaires européennes

Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes du Sénat :

Il est rare de réunir ensemble les commissions des affaires européennes et les commissions de l'aménagement du territoire et du développement durable des deux chambres du Parlement français. Mais il s'agit d'une occasion unique d'entendre, avant les élections européennes du 9 juin prochain, le commissaire en charge d'une priorité européenne majeure : l'adaptation au changement climatique. Nous le remercions d'être venu jusqu'à nous aujourd'hui.

Monsieur le commissaire, vous avez succédé à Frans Timmermans, dont vous ne partagez pas exactement la ligne politique… Il incarne le pacte vert, cette réponse volontariste que l'Union européenne a apportée au défi climatique et dont la mise en œuvre fait grand bruit. Il s'agit d'un engagement politique majeur pris en 2019 : avec le pacte vert, l'Union européenne vise la neutralité climatique à l'horizon 2050, dans le droit fil de l'Accord de Paris de 2015. La loi européenne sur le climat est venue ensuite, en 2021, transformer cet engagement politique en obligation contraignante. Sa déclinaison concrète a pris la forme du paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 », qui implique une transformation profonde de nos économies et de nos sociétés : le Sénat s'est positionné à ce sujet par une résolution en avril 2022, élaborée à plusieurs commissions. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette déclinaison des objectifs climatiques de l'Union ne s'est pas faite sans heurts ni critiques.

Les critiques ont porté sur la manière dont la Commission européenne entendait conduire le pilotage de la trajectoire menant vers cette neutralité climatique à l'horizon 2050. Je rappelle ainsi que le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, avait adopté en 2020 un avis motivé sur la proposition de loi européenne sur le climat, afin de dénoncer sa non-conformité au principe de subsidiarité : par cet avis, le Sénat s'opposait à ce que la Commission européenne puisse recourir à des actes délégués pour définir la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre en vue d'atteindre la neutralité carbone entre 2030 et 2050, alors même qu'aucun objectif intermédiaire à l'horizon 2040 n'était alors envisagé. Déterminer la trajectoire n'a rien de technique ni de mécanique. Les débats sont éminemment politiques, y compris dans la manière d'apprécier la capacité d'absorption par les États membres et les secteurs économiques des mesures envisagées.

Les critiques ont également porté sur la faiblesse, voire l'absence d'études d'impact circonstanciées sur des politiques pourtant essentielles. Je pense évidemment à l'agriculture. Même si le Sénat a sonné l'alarme à plusieurs reprises, les conséquences du pacte vert en ce domaine n'ont pas été correctement évaluées ni anticipées : rien d'étonnant à ce que les agriculteurs manifestent depuis plusieurs mois dans une grande partie de l'Europe.

Je pense également aux débats compliqués que nous avons eus, lors de l'examen du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », sur la fin du moteur thermique à l'horizon 2035, mais aussi sur les imperfections regrettables du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Je pense enfin, de manière plus générale, à la manière dont la Commission européenne a abordé la question de la neutralité technologique. Il a fallu une crise énergétique majeure pour qu'elle assouplisse, non sans mal, sa position sur la place du nucléaire, y compris dans le domaine de l'hydrogène vert. Or, nous aurons besoin de toute l'énergie décarbonée pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et nous défaire de nos dépendances, sans en créer de nouvelles.

L'Union européenne doit être plus attentive à l'impact social, économique et territorial des mesures qu'elle adopte, sans quoi la transition climatique se heurtera à des oppositions croissantes. Cette audition nous offre l'occasion de dresser, avec vous, un bilan critique de la mise en œuvre de ce pacte vert. Selon vous, qu'est-ce qui a bien fonctionné ? A contrario, qu'est-ce qui doit être revu ou amélioré, sur la méthode aussi bien que sur le fond ? Enfin, quel avenir lui promettez-vous après les élections européennes ?

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