La définition actuelle de la réussite en licence correspond à la réussite au diplôme dans lequel l'étudiant est inscrit, dans le temps prévu plus une année. En 2022, on calcule ainsi un taux de réussite en trois ou quatre ans de 49 %, chiffre qui fait généralement voir la licence comme un diplôme au fort taux d'échec. Toutefois, cette image mérite d'être nuancée, car le suivi d'un parcours de licence en trois ou quatre années ne permet pas, à lui seul, de résumer la notion de réussite ou d'échec.
La définition de la réussite étudiante doit être réinterrogée. Le parcours de formation des étudiants dans le supérieur est aujourd'hui ponctué de réorientations et l'acquisition de compétences se fait par des approches plus diverses qu'auparavant. Les étudiants peuvent bénéficier d'équivalences et de passerelles entre formations, commencer à étudier une année dans un diplôme puis rebondir l'année suivante pour préparer un autre diplôme, comme dans tous les pays du monde. Peut-on parler d'échec lorsqu'un étudiant est réorienté dans un autre diplôme et qu'il l'obtient ?
On peut estimer que c'est la sortie du système éducatif sans aucun diplôme in fine qui est réellement synonyme d'échec. Or le taux de sortie sans diplôme des inscrits en licence ou en équivalent dit bachelor, c'est-à-dire trois ans supplémentaires après la licence, est de 22 %. D'après les données de l'OCDE de 2022, le système d'enseignement supérieur français fait donc réussir 78 % des étudiants, alors que la moyenne de l'OCDE se situe un peu en dessous, à 76,5 %.
Plusieurs autres indicateurs peuvent aider à recontextualiser le taux de réussite des étudiants en licence à l'université. La moyenne de l'OCDE pour le taux d'étudiants qui obtiennent leur diplôme de premier cycle dans le délai prévu est de 39 %. Avec 37 %, la France atteint quasiment cette moyenne. Pour comparer avec les pays qui nous ressemblent, cette moyenne est de 21 % en Belgique et en Italie, 37 % en Espagne, 34 % en Suède et 47 % au Canada.
Je rappelle que la structure du premier cycle est très spécifique en France, car le diplôme national de licence n'y est majoritairement pas sélectif. L'université accueille tous les jeunes qui, ayant obtenu un baccalauréat général, technologique ou professionnel, souhaitent s'y inscrire. Le public accueilli en licence à l'université est donc composé de jeunes aux parcours et aux niveaux très différents. Les meilleurs étudiants partent généralement dans les filières sélectives, comme les CPGE, les bachelors universitaires de technologie (BUT), même professionnalisants, ou les doubles licences à l'université. En Angleterre, pour reprendre cet exemple, les formations post-bac équivalentes à la licence sélectionnent leurs étudiants. Le taux de réussite du système sélectif anglais est de 68 %, contre 80 % pour une filière universitaire sélective française comme les DUT. En outre, on constate que les meilleurs bacheliers français – ceux qui ont obtenu une mention très bien et qui seraient potentiellement sélectionnés si l'université française était sélective – ont un taux de réussite en licence de 79 %, ce qui est bien supérieur au taux britannique. À formation égale et à profil étudiant similaire, nous faisons donc au moins aussi bien, sinon mieux, réussir nos étudiants.
Les taux de réussite en licence ne sont donc pas le reflet d'une mauvaise qualité de la formation, mais le résultat de la dévalorisation de la licence face aux filières sélectives, qui aboutit à une concentration dans cette filière d'un public refusé dans les filières sélectives. L'université, par de multiples dispositifs – année rebond, passeport pour réussir et s'orienter (Paréo), passerelles –, aide l'étudiant qu'elle accueille et lui permet de réussir dans une filière mieux adaptée à son profil et à son projet.
Le taux de réussite en licence en trois ou quatre ans est un indicateur indispensable qui gagnerait à être complété par d'autres éléments pour affiner l'analyse. D'abord, le contexte d'accès à la formation : l'entrée en première année s'est-elle effectuée avec un « oui si », ou après une formation Paréo, une passerelle ou une réorientation ? Autre critère essentiel, la corrélation entre la présence aux examens et la réussite : le taux de passage de la L1 à la L2 des étudiants présents aux examens est supérieur de 16 points à celui du total des étudiants inscrits – l'université fait réussir les étudiants lorsqu'ils sont assidus.
Pour améliorer la réussite et éviter que des jeunes ne s'inscrivent en licence faute de mieux, nous menons un travail d'accueil et d'orientation afin que chaque jeune qui arrive dans le supérieur trouve une place dans la formation qui convient le mieux à son profil. Priorité a donc été donnée aux bacheliers technologiques et professionnels pour l'accès, respectivement, aux BUT et aux BTS. Entre 2013 et 2021, la part des bacheliers technologiques en IUT a augmenté de 11,4 points et celle des bacheliers professionnels en BTS a augmenté de 7 points. Le nombre de jeunes issus de la voie technologique ou professionnelle inscrits en licence par défaut a ainsi diminué.
L'adéquation de l'orientation au profil passe aussi par la mise en place de politiques d'accompagnement et de soutien personnalisé dans les établissements. La loi ORE a permis de mettre l'accent sur l'accueil et l'individualisation des parcours en fonction du profil des étudiants : en 2023, 26 000 étudiants ont accepté une proposition d'admission avec un aménagement de licence pour les accompagner vers la réussite. Depuis cette loi, le taux de passage en deuxième année de licence progresse de façon continue.
La réussite est toujours fortement liée aux caractéristiques sociales et scolaires des étudiants. Le taux de passage des étudiants en L2 varie de presque 20 points en fonction du milieu social, de plus de 35 points en fonction du baccalauréat obtenu – général, technologique ou professionnel – et de plus de 26 points en fonction de la mention obtenue au bac.
La réussite en licence est en hausse malgré une augmentation démographique importante entre 2010 et 2022 : le nombre d'étudiants inscrits est passé de 572 000 à 714 000 sur cette période, soit plus de 142 000 étudiants supplémentaires, et le taux de passage en deuxième année a augmenté de 10 points entre 2017 et 2021. Cette augmentation est en partie due à un meilleur travail sur l'orientation des étudiants titulaires d'un baccalauréat technologique ou professionnel dans les formations mieux adaptées à leur cursus, où ces étudiants réussissent beaucoup plus qu'en licence générale : en 2018, 57,8 % des bacheliers technologiques réussissaient leur première année de DUT et 76,4 % leur première année de BTS, tandis que le taux de passage en L2 n'était que de 15 %.
Ces différents taux de réussite ou de passage dans l'année supérieure recouvrent une grande variété de parcours de formation, avec des trajectoires particulières et des situations diverses, qui soulignent le rôle de la licence générale dans le processus d'orientation et de réorientation pour un grand nombre d'étudiants. Nous devons continuer à améliorer l'orientation des élèves en amont du supérieur, prendre en compte les parcours non linéaires et développer la formation tout au long de la vie pour permettre durablement la réussite des étudiants.