Monsieur Letta, merci de vous exprimer en français : c'est si rare dans les arcanes de l'Union européenne aujourd'hui. Je ne doute pas un instant de votre sincérité mais j'ai l'impression que vous participez toujours de la même confusion qui nous a menés où nous en sommes aujourd'hui.
Je souhaite revenir sur les exemples que vous avez évoqués lors de vos propos. Vous avez d'abord mentionné les capitales européennes qui ne seraient pas reliées par les TGV. Mais pour ma part, je remarque que les villes de Paris et de Londres sont bien reliées par un train à grande vitesse sans que le Royaume-Uni ne fasse partie de l'Union européenne. Ce projet a été mené entre États et il a très bien fonctionné ainsi.
Vous avez ensuite cité Airbus, la seule réalisation qui ait permis de l'emporter face aux Américains. Encore convient-il de relever qu'Airbus n'a pas été construit grâce à l'Union européenne – heureusement d'ailleurs, car cela n'aurait jamais abouti – mais par la volonté de quelques États qui ont coopéré ensemble.
Ces deux exemples montrent que vous êtes toujours dans cette même logique de confusion. Il est à la fois fascinant et effrayant – je me permets de vous le dire avec une totale franchise – que vous vouliez continuer à aggraver tout ce qui a échoué depuis trente ans.
Vous nous avez ainsi expliqué que l'échec des télécoms est à imputer aux États. Mais ce sont bien l'Union européenne et la Commission de Bruxelles qui ont toujours refusé des fusions entre opérateurs et qui ont, par la politique de la concurrence, cassé toutes les visions des producteurs, à l'instar de ce qui s'est passé pour Alstom et Siemens.
Il est donc un peu facile d'accuser les États et les nations à propos des chaînes que l'Union européenne a installées, interdisant de mener de vraies politiques. Malgré tout, vous voulez continuer ce libre-échange déloyal et la dispersion des moyens : la France a dépensé des dizaines de milliards pour délocaliser ses usines dans l'Est de l'Europe.
Un contresens immense est aussi à l'œuvre concernant les États-Unis. Il existe d'immenses différences entre les États américains mais ce pays fédéral diffère de l'Europe par ses mesures protectionnistes témoignant de la volonté de se défendre, ainsi qu'une politique budgétaire expansionniste et un véritable esprit de conquête, que certains États auraient pu mettre en place.
Mais vous allez encore aggraver la situation parce que vous êtes en faveur de l'élargissement à l'Ukraine, qui sera ruineux, en faveur de l'interdiction du moteur thermique, qui est une folie absolue, en faveur d'un nouveau pacte de stabilité, qui interdira aux États d'investir pour l'avenir, tout en refusant des mesures protectionnistes. Comment se plaindre dans ce cas que la Chine et les États-Unis fassent la course en tête devant l'Europe ? Seule une Europe des nations qui abandonne cette organisation bureaucratique qui nous tue parviendra à sauver l'Europe.