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Intervention de Emeline K/Bidi

Séance en hémicycle du jeudi 30 mai 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeline K/Bidi :

Disposer d'un logement est devenu, depuis la loi du 5 mars 2007, un droit opposable. Un logement est un droit mais aussi une chance, une chance pour bien grandir et pour bien vivre. En effet, vous avez entendu les différents témoignages lus par Karine Lebon : on ne peut pas étudier quand on n'a pas d'endroit où dormir ; on ne peut pas trouver un emploi quand on vit dans sa voiture ; on ne peut pas échapper aux violences conjugales quand on n'a nulle part d'autre où aller ; on ne peut pas être en bonne santé quand les murs de sa chambre sont recouverts de moisi.

En outre-mer, des dizaines de milliers d'enfants, de femmes et d'hommes sont privés de cette chance. Ils ne connaissent que l'absence de logement ou le mal-logement, où l'on s'entasse et où plusieurs générations cohabitent dans la promiscuité. Ils ne connaissent que l'indécence et l'insalubrité d'une habitation où l'eau coule du toit et où les murs s'effritent.

Mais pourquoi 15 % seulement des ménages d'outre-mer ont-ils accès à un logement social, alors que 80 % d'entre eux y sont éligibles ? Pourquoi le nombre de logements sociaux continue de baisser, alors que le nombre de demandeurs ne cesse d'augmenter ?

Alors qu'en 2019, 3 482 logements sociaux avaient été livrés en outre-mer, 2 400 seulement l'ont été en 2022. À La Réunion, le nombre de logements livrés a chuté en dix ans : il n'y en a eu que 1 613 en 2023, contre 3 386 en 2014. C'est un chiffre historiquement bas, d'autant que le nombre de demandeurs progresse en moyenne de 9 % chaque année. Au début de l'année 2024 – Karine Lebon vous l'a rappelé –, La Réunion comptait ainsi plus de 45 000 demandeurs de logement social. En Guadeloupe, la tendance est la même : le nombre de demandeurs a augmenté de 16 % entre 2022 et 2023. En Guyane, seules 16 % des demandes d'attribution sont satisfaites.

Alors pourquoi les livraisons de logements continuent-elles de prendre du retard ? Entre le financement et la livraison d'un programme, il fallait attendre deux ans et demi en 2015 ; en 2020, on a attendu quatre ans, et les délais continuent de s'allonger. En outre, pourquoi les prix des logements sociaux sont-ils plus chers en outre-mer que dans l'Hexagone, alors que la population y est plus pauvre ?

Même lorsqu'ils sont livrés, les logements sociaux sont souvent inabordables pour les populations ultramarines – je vous rappelle que le taux de pauvreté monétaire est de 2 à 4 % plus élevé en outre-mer qu'en France hexagonale. Le prix de la location au mètre carré s'élève en moyenne à 6,44 euros par mois en Guyane, contre une moyenne nationale de 6,05 euros, alors que 50 % des Guyanais vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il atteint même 8,76 euros à Mayotte, où 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Enfin, il n'y a que trois départements français où le loyer moyen des logements sociaux est plus élevé qu'en Guadeloupe, alors que 34 % des Guadeloupéens vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Alors pourquoi tant de logements neufs ou réhabilités peinent à être livrés ? Pourquoi tant sont-ils indécents ou insalubres ? Pourquoi l'État exerce-t-il si peu de contrôle sur un secteur pourtant abondamment subventionné ? « Où passe l'argent public ? » « Quand aurai-je un logement ? » « Pourrai-je avoir droit à un logement avec suffisamment de chambres pour mes enfants ? » « Quand l'organisme HLM viendra-t-il réparer les fuites ? » Voilà les questions auxquelles nous sommes confrontés, tous les jours ! Il faut y répondre : nous devons rapidement trouver des solutions à la pénurie de logements sociaux et à leur indécence.

La France, septième puissance mondiale, ne peut se satisfaire de cette situation. Elle ne peut fermer les yeux sur une situation qui affecte la vie de milliers de Françaises et de Français en outre-mer. Elle ne peut pas rester impuissante quand la pénurie de logements affecte l'éducation, la sécurité, la santé, le travail et la vie de tant de personnes en outre-mer.

Ensemble, mes chers collègues, je vous invite donc à voter pour cette proposition de résolution, pour la création d'une commission d'enquête chargée d'étudier et d'évaluer les causes du déficit de construction et de livraison de logements sociaux, mais aussi de la non-décence et de l'insalubrité du logement social neuf et réhabilité en outre-mer. C'est ensemble que nous devons chercher les réponses à ces différentes questions. La population d'outre-mer nous regarde ; elle compte sur nous, elle a besoin de nous.

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