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Intervention de Marie Pochon

Séance en hémicycle du jeudi 30 mai 2024 à 9h00
Ratification de l'accord économique et commercial global — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Pochon :

À l'époque, nous manifestions à Bruxelles ou à Strasbourg, nous, jeunes venus de toute l'Europe, avec des baleines dessinées sur nos pancartes. On devait être en 2014 ou en 2015. Pourquoi des baleines ? Parce que nous disions : « c'est assez ». On en rigolait, de nos jeux de mots ; on se disait qu'on était si nombreux que l'alliance des écologistes et des agriculteurs et agricultrices de tout le continent ferait entendre raison aux grands décideurs de ce monde.

Voilà dix ans que nous demandons que cesse ce hold-up démocratique. Manifestations, questions écrites, résolutions, interpellations… Au vu de votre mutisme et de votre refus d'inscrire à l'ordre du jour un débat parlementaire sur le sujet, on serait à deux doigts de penser que votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, a peur du Parlement !

Pour commencer, et parce que la jeune militante écologiste que j'étais en 2014 n'aurait jamais imaginé se tenir là, devant vous, à vous raconter mes pancartes avec des baleines dessus qui disent « c'est assez », je voudrais remercier le groupe Gauche démocrate et républicaine d'avoir inscrit cette proposition de résolution sur la procédure de ratification du Ceta à l'ordre du jour de leur journée d'initiative parlementaire.

Elle nous permet de rappeler que depuis 2016, ce traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada est déjà appliqué à 90 % à titre provisoire, alors même que dix pays de l'Union européenne, parmi lesquels la France, ne l'ont pas ratifié.

Elle nous permet de rappeler aussi que votre gouvernement a tout bonnement refusé, contrairement à l'usage et à tout principe démocratique, de transmettre au bureau de l'Assemblée nationale le projet de loi adopté par le Sénat sur proposition du groupe communiste. Un tel mépris du Parlement est inacceptable, surtout s'agissant d'un sujet aussi crucial. De quoi avez-vous peur, monsieur le ministre délégué ?

Enfin, elle nous permet de rappeler qu'en facilitant les importations en provenance du Canada par la suppression des droits de douane pour plus de 98 % des produits, le Ceta remet en cause de nombreuses normes environnementales et sanitaires, mettant ainsi en danger le principe de précaution inscrit dans la Charte de l'environnement, un texte qui a pourtant valeur constitutionnelle – mais étant donné votre tendance à le malmener, personne ne sera surpris. L'environnement, parlons-en : le Ceta permet la hausse des importations d'engrais, mais aussi l'augmentation de 50 % des importations de pétrole issu de schistes bitumineux, qui est trois à quatre fois plus polluant que le pétrole classique et dont l'extraction laisse derrière elle des paysages faits de forêts rasées, de lacs et de cours d'eau pollués. Je dis « parlons-en », mais ce n'est qu'une formule, car le Ceta n'est pas assujetti aux engagements pris dans le cadre de l'accord de Paris. Il ne propose aucun dispositif contraignant qui permettrait de limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 degré Celsius.

Dans un monde parallèle, celui que dessinent les promesses d'Emmanuel Macron, il en serait autrement : en 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat (CCC), le Président de la République s'est dit prêt à abandonner le Ceta si celui-ci ne respectait pas l'accord de Paris. Dans le même monde parallèle, vous seriez les premiers alliés des agriculteurs, comme vous aimez à le dire. Je suis au regret de vous annoncer que dans le monde réel, les promesses doivent être tenues ; ou bien on risque de fâcher du monde.

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