Hier encore, Ouest-France consacrait un long article aux bâtiments menacés par la mer en Loire-Atlantique et en Vendée. D'après la chambre régionale des comptes, 821 d'entre eux sont appelés à disparaître d'ici à cent ans. Alors, pourrons-nous encore vivre le long de nos littoraux dans quelques années ? Question ô combien d'actualité. Je dis littoraux, et pas littoral, car les côtes sont diverses : Bretagne, Martinique – où vous êtes élu, monsieur Nadeau –, Vendée, Nouvelle Aquitaine, Guyane, Pays basque, Normandie, ou encore Polynésie… Autant de destinations souvent plébiscitées pour les vacances, qui sont aussi des territoires menacés par le dérèglement climatique.
Le dérèglement climatique a une conséquence très concrète : le recul du trait de côte, c'est-à-dire, pour les non initiés, le grignotage régulier des terres par la mer. Ce phénomène est mondial. En France, on estime que 20 % de nos littoraux sont en recul, recul qui équivaut à la perte d'un terrain de football par semaine. En cinquante ans, ce sont 4 200 terrains qui ont disparu ! Parmi nos 1 200 communes littorales, où vivent 8 millions de nos compatriotes, 500 sont concernées par l'érosion, quand les autres sont, malheureusement, exposées à d'autres phénomènes climatiques : la submersion, les inondations ou encore les feux de forêt. Comme l'érosion d'aujourd'hui est la submersion de demain, conjuguée à des évènements tempétueux plus importants et plus fréquents, les territoires littoraux et, a fortiori, les territoires insulaires doivent s'adapter.
Monsieur Nadeau, je connais votre engagement, votre expérience et votre expertise sur le sujet. J'ai pu les mesurer, en septembre 2019, dans la commune dont vous étiez alors le maire, Le Prêcheur en Martinique, dans le cadre de la mission qui m'avait été confiée sur l'adaptation de nos littoraux face au changement climatique. Comme vous l'avez rappelé, en soixante ans, la côte y a reculé de près de 200 mètres à certains endroits : 300 personnes ont dû être relogées après la destruction de leur habitation. La montée des eaux n'est donc ni une vue de l'esprit, ni de la science-fiction, mais, malheureusement, une triste réalité. Le sujet est pris très au sérieux, au niveau national comme par les différentes collectivités.
Depuis que l'homme urbanise les littoraux, il a cru qu'il dompterait la nature, la mer en l'occurrence. Il en a résulté une logique de la gestion du risque, de la lutte contre, plutôt que de l'aménagement de l'espace. Les littoraux se sont ainsi fortifiés et consolidés, à coups d'enrochements et de digues – des ouvrages extrêmement coûteux à construire comme à entretenir.
Votre proposition de résolution invite le Gouvernement à mettre en œuvre des actions prioritaires, dans le cadre de la définition d'une politique globale dédiée aux villes côtières et insulaires. Je vous rappelle cependant ce que le Gouvernement et la majorité ont déjà réalisé depuis 2017. Nous avons agi, pleinement conscients de l'accélération du bouleversement climatique et de ses conséquences sur les littoraux, qu'il s'agisse en particulier de la sécurité des personnes et des biens ou de la pérennité des activités.
La loi « littoral » de 1986 avait certes permis de protéger nos côtes, mais il fallait aller plus loin. C'est fait grâce à la loi « climat et résilience » de 2021 qui améliore la connaissance et le partage de l'information en la matière, permet de mieux gérer les biens immobiliers situés dans les zones exposées, limite l'exposition des nouveaux biens au recul du trait de côte, met à disposition des collectivités des outils pour la recomposition spatiale et la relocalisation des biens menacés, et adapte les dispositions relatives aux cinquante pas géométriques en outre-mer. Autant de mesures utiles, nécessaires, que vous appelez de vos vœux dans votre résolution et qui sont, pour beaucoup, déjà satisfaites. Bien sûr, il nous faut accélérer collectivement.
J'aurais pu aussi vous parler des travaux réalisés par les autres acteurs que vous avez déjà évoqués, mobilisés depuis de longues années sur le sujet, tels que le réseau national des observatoires du trait de côte, le groupement d'intérêt public (GIP) Littoral en Nouvelle-Aquitaine, le Cerema, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), ou encore l'Anel, mais le temps m'est compté.
Je termine donc en abordant la question centrale du volet financier. Dès 2019, dans le rapport sur l'érosion côtière que j'ai remis à Élisabeth Borne, je plaidais pour la création d'un fonds dédié et pérenne, le Fonds d'aménagement littoral. Il nous revient aujourd'hui de le concrétiser et de le faire vivre dans le temps, en en déterminant les contours, le périmètre, et les sources de financement. Ce sera l'objet de la prochaine réunion du Comité national du trait de côte.
Vous le voyez, nous sommes au travail, et nous poussons à ce que les financements nécessaires soient prochainement votés, car ils sont la pierre angulaire d'une politique de résilience efficiente.
Parce que votre proposition de résolution est utile aux travaux que nous menons, et nous encourage à poursuivre ceux que nous avons engagés, nous la soutiendrons.