Nous sommes le 30 mai 2024 : c'est le vingt-huitième mois d'affilée qui présente des températures au-dessus des normes. En trente ans, les températures à l'échelle du continent européen ont augmenté deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Et pourtant, alors que des élections sont organisées sur ce même continent dans dix jours, notre capacité à vivre, travailler, avoir accès aux soins, voyager, vieillir dans une Europe où le réchauffement atteindra 4 degrés est totalement éclipsée du débat public !
« Le contraste entre le calme avec lequel nous continuons à vivre tranquillement et ce qui nous arrive est vertigineux. », disait Bruno Latour. Je ne cesserai pas de vous alerter à ce sujet. Je souhaite donc remercier nos collègues de la Gauche démocrate et républicaine de soumettre aux débats une résolution sur l'adaptation de nos politiques publiques aux changements climatiques.
Les conséquences de ces changements sont désormais tangibles pour nos concitoyens : recul du trait de côte, déplacements de populations, logements invivables, maisons qui se fissurent, morts au travail, montée des eaux, jusqu'à la crise agricole, qui a fait rugir les tracteurs sur toutes les routes de France au début du printemps – ils sont, depuis, redevenus silencieux. C'est l'ensemble de notre monde, tout ce que l'on connaît, qui est en jeu.
Face à la catastrophe, cela fait cinquante ans que certains donnent l'alertent. Je voudrais profiter de l'examen de la présente résolution pour rendre hommage à René Dumont qui, en 1974, en direct à la télévision, vêtu de son pull rouge, buvait « un verre d'eau précieuse », si précieuse qu'elle suscite aujourd'hui des tensions immenses sur nos territoires, qu'elle provoque des crues et des inondations aux quatre coins du pays, tandis que Barcelone se fait approvisionner par cargo et que les vignerons pyrénéens arrachent leurs vignes.
Depuis cinquante ans, les écologistes mettent en garde contre ces dangers et tentent de réduire les risques en proposant des politiques adaptées de sobriété et d'adaptation qui, si elles avaient été suivies, nous auraient fait gagner des milliards d'euros. Nous défendions l'eau comme bien commun, quand vous n'écoutiez pas. Nous défendions la protection des terres contre la bétonisation, quand vous n'écoutiez pas. Nous défendions la végétalisation des villes, la rénovation des logements, ou la gestion durable des forêts, quand vous n'écoutiez pas.
Encore aujourd'hui, nous sommes souvent confrontés au climatoscepticisme, aux discours antiscience, et vous vous montrez frileux, vous reculez, pour gagner quelques points dans les sondages, au risque d'y laisser quelques millions de vies. Si nombreux sont ceux qui ont compris les erreurs du passé, d'autres persistent.
Pendant ce temps, le Haut Conseil pour le climat (HCC) appelle à un « sursaut pour le climat en France ». Pendant ce temps, la Cour des comptes envisage de publier un rapport annuel sur la transition écologique, en amont du projet de loi de finances, pour inciter l'État à investir considérablement en la matière. Pendant ce temps, nous attendons toujours la loi de programmation sur l'énergie et le climat, qui devait être présentée au Parlement avant juillet 2023, ainsi que le futur plan national d'adaptation au changement climatique, qui devait être publié en avril, puis mi-mai, puis fin mai. Quand il s'agit d'écologie, le Gouvernement repousse toujours à plus tard.
Pire, il recule, puisque l'écologie est sacrifiée sur l'autel de l'austérité, alors que la Cour des comptes appelle à préserver les investissements dans la transition. L'écologie a fait l'objet d'une annulation de crédits de 1,3 milliard d'euros au cours de l'exécution du budget de 2023, puis de 2 milliards en février dernier, et elle devrait encore perdre entre 1 et 1,4 milliard supplémentaire selon les dernières annonces du ministre de l'économie.