Intervention de François Piquemal

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Piquemal :

Une tribune parue dans Le Monde le 25 septembre dernier et signée par les historiens Annette Becker, Julian Jackson, Jean-Luc Leleu et Olivier Wieviorka dénonce le projet de lieu de mémoire surnommé d'abord « D-Day Land » puis « L'hommage aux héros ». Pourquoi des historiennes et historiens, ainsi qu'un collectif de descendants des membres du commando Kieffer, s'insurgent-ils contre un projet mémoriel ? Selon eux, ce projet n'intègre pas suffisamment les circonstances historiques. Ils dénoncent une initiative de fonds privés, bien éloignée des institutions publiques et des responsables des actions de politique mémorielle, pour un événement historique aussi important pour la France et pour le monde.

Le problème, ce n'est pas tant que ce projet vise à être un remake d' Il faut sauver le soldat Ryan – Spielberg en moins ! – mais qu'il ne tend pas à éclairer les esprits sur les enjeux profonds de la seconde guerre mondiale ; il passe sous silence la faillite initiale des démocraties française et britannique, incapables de stopper la dictature nazie lorsqu'elles en avaient les moyens, pendant les années 1930, alors que l'extrême droite, comme aujourd'hui, gagnait du terrain. La guerre, même si nous apprécions les jeux vidéo, ce n'est pas Call of duty : c'est avant tout un drame qui touche les civils et les militaires. En se focalisant sur l'héroïsme des soldats libérateurs, le projet efface paradoxalement la violence qui constitue pourtant l'essence même de la guerre pour ceux qui la font ou qui la subissent.

L'État entretient et finance dix hauts lieux de mémoire et deux-cent-soixante-quinze nécropoles sur tout le territoire national. Il doit veiller à l'organisation d'actions pédagogiques et citoyennes, nationales et locales, adaptées au public scolaire, à la jeunesse, à tous les citoyens à travers des programmes et des projets de transmission et de réflexion construits autour de la mémoire des grands conflits. Comment l'État peut-il laisser un tel lieu de mémoire national et mondial faire l'objet d'un tel business ?

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