Je souhaite aborder une question qui, après 80 ans, ravive une plaie profonde que l'on porte malgré soi lorsqu'on est issu, comme c'est mon cas, de Moselle ou d'Alsace : celle des incorporés de force ou « Malgré-nous ».
Ne pouvant échapper à une conscription forcée dans l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale, ils sont morts par dizaines de milliers, principalement sur le front de l'est, laissant derrière eux des milliers d'orphelins. Une partie d'entre eux, dont on ne peut estimer précisément le nombre, se dressèrent contre les Allemands : les rébellions en caserne ou sur le champ de bataille furent fréquentes. Nombre d'incorporés de force furent également emprisonnés par les Russes, incarcérés dans des conditions épouvantables dans des camps comme ceux de Tambov ou Kirsanov, d'où beaucoup ne revinrent jamais. Des milliers d'orphelins de guerre sont donc pupilles de la nation mais ne bénéficient pas des indemnisations prévues par les décrets 2000-657 du 13 juillet 2000 et 2004-751 du 27 juillet 2004.
Comment expliquer cette criante injustice ? Pourquoi persister dans une exclusion qui renforce leur sentiment d'être des oubliés de l'histoire ? Le devoir mémoriel appelle une reconnaissance spécifique des « Malgré-nous » mais, également, des « Malgré-elles », ces femmes originaires d'Alsace et de Moselle – environ 15 000 – qui ont été enrôlées de force dans différentes structures nazies entre 1942 et 1945. Traiterez-vous avec justice leurs orphelins – aujourd'hui, quelques centaines – en leur octroyant une réparation identique à celle prévue par les décrets que je viens de citer ?