Intervention de Patricia Mirallès

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Patricia Mirallès, secrétaire d'État :

Je me suis appliquée, depuis le 4 juillet, à recevoir de nombreuses associations nationales – presque toutes en fait. Je les ai également rencontrées à chacun de mes déplacements. Le G12 « anciens combattants » regroupe les présidents de dix-sept associations nationales. Lors de nos réunions, nous évaluons la situation, les attentes et les inquiétudes. Les anciens combattants craignent que leurs associations disparaissent avec eux et c'est pourquoi je leur ai proposé de travailler à un projet visant à y faire adhérer les jeunes. La prochaine réunion se tiendra dans trois mois et sera consacrée à ces questions.

Certaines associations ont déjà de bonnes idées. Je pense notamment à l'instauration d'un système de parrains et de neveux : le parrain, porte-drapeau, confierait pour un temps son drapeau à son neveu ; selon les commémorations, l'un ou l'autre porterait le drapeau jusqu'à ce que, peu à peu, le neveu en devienne en quelque sorte le propriétaire. C'est une idée excellente qui, bien évidemment, ne suffit pas.

J'ai examiné avec les associations la possibilité d'aller plus loin tant les anciens combattants demeurent la mémoire vivante de notre histoire de France. Nous devons continuer à collecter cette mémoire. Nous allons donc également mener un travail avec l'ONACVG pour qu'ils puissent écrire mais aussi parler. Nous devons commencer à collecter les éléments qui n'ont pas été verbalisés. Dans une guerre, il y a ce que l'on sait, le conflit de haute intensité, la perspective de la mort mais, aussi, de très belles histoires, celles des vies sauvées, qui doivent être écrites. Je leur ai proposé de mener ces projets pour que nous puissions continuer à collecter, jusqu'à la fin de leur vie, tout ce qu'ils n'ont pas encore dit. Si ce n'est pas à moi de décider, je peux impulser le mouvement. Je les ai mis au défi et je leur ai proposé d'aller plus loin.

Lorsque j'assiste à une commémoration en présence de jeunes, je constate qu'ils sont heureux d'être là. Comment les attirer ? Nous mènerons un travail avec les écoles, les collèges et les lycées. À chaque déplacement, nous dirons les paroles de notre histoire, si douloureuses soient-elles, et nous regarderons celle-ci face.

Plutôt que des « anciens combattants », je préfère parler de « monde combattant ». Certains d'entre eux se sont émus de ce changement tant ils ont eu le sentiment d'avoir déjà disparu mais je leur ai expliqué que, au contraire, cela revenait à les rajeunir : le « monde combattant », c'est aussi la quatrième génération du feu, celle de nos jeunes combattants. Il y a des combattants d'active : 120 jours d'Opex donnent droit à la carte du combattant. Je leur ai donc aussi proposé de travailler sur cette formule. Nous n'avons pas décidé de ne plus l'utiliser mais on peut l'entendre différemment. Nous nous soucions d'eux, qui ont répondu présent, et nous faisons face avec eux à notre histoire pour que la jeunesse la connaisse et que nous ne recommencions pas les erreurs du passé. Voilà le travail que nous mènerons avec les anciens combattants, avec le monde combattant !

Il est en effet souvent question des combattants mais nous avons un projet pour mettre à l'honneur les combattantes d'hier et d'aujourd'hui. Je ne sais pas encore quelle en sera la forme. Un livre de portraits ? Les femmes sont en effet trop absentes alors qu'en période de guerre, elles aussi ont répondu à l'appel, sous de nombreuses formes, sur chaque territoire. Nous pourrons organiser une réunion avec les parlementaires pour mettre en commun nos idées.

J'ai également évoqué la question de la « retraite du combattant » lors du G12 mais je n'apprécie pas cette formule. La retraite suppose en effet d'avoir cotisé, or, tel n'est pas en l'occurrence le cas. J'ai suggéré de privilégier la formule de « reconnaissance du combattant ». Le monde combattant est d'accord pour y réfléchir. Pour l'opinion publique, parfois, les anciens combattants percevraient en effet deux retraites, or, ce n'est pas le cas. Ils n'ont pas deux retraites, mais une reconnaissance leur est octroyée pour avoir été au combat ! Nous devrions y voir plus clair d'ici trois mois.

J'ai demandé une étude détaillée – dont je ne dispose pas encore – pour connaître le nombre exact de veuves susceptibles de se voir accorder la demi-part fiscale. Les seuls chiffres que je connaisse sont ceux des associations : il est tantôt question de 5 000, 7 000 ou 12 000 veuves. Or, j'ai besoin de savoir combien de personnes sont vraiment concernées pour définir un équilibre budgétaire et je ne peux donc pas répondre aujourd'hui à vos questions. Nous allons y travailler. J'ai toutefois rencontré certaines d'entre elles, qui ne souhaitent pas bénéficier de cette demi-part fiscale – limitée à 1 500 euros – au motif qu'il serait gênant de bénéficier d'un avantage dont sont exclues les personnes non imposables, ce que je comprends. Il convient donc de connaître non seulement le nombre de bénéficiaires potentielles mais aussi celui des veuves qui souhaitent bénéficier d'un tel dispositif. Cela demandera un peu de temps et je pense que nous y reviendrons dans le cadre du PLF pour 2024.

S'agissant du point de PMI, une véritable victoire a été remportée. Le 1er juillet 2022, vous avez acté sa revalorisation mais cette date ne permettait pas d'appliquer la mesure au 1er janvier 2023 – elle ne l'aurait été qu'au 1er janvier 2024. Avec mon directeur de cabinet et mon équipe, nous avons été défendre ce dossier à Matignon en pointant une incohérence et en expliquant qu'il n'était pas possible de procéder ainsi alors même qu'il n'y avait pas de rétroactivité. Nous avons donc été entendus : la Première ministre et le Président de la République ont accordé la revalorisation du point dès le 1er janvier 2023. C'était la première demande de toutes les associations du monde combattant. Vous me dites qu'il faut aller plus loin. Nous aviserons, en mettant un pied devant l'autre. Nous avons déjà à notre actif une belle victoire collective et nous pouvons nous féliciter d'avoir répondu à cette demande qui me paraissait très légitime. Cette revalorisation du point de PMI coûtera tout de même 41,6 millions, qu'il a bien fallu trouver.

L'article 41 du PLF 2023 élargit les pensions aux victimes d'actes de terrorisme avant 1982. La loi de 1986 relative à la lutte contre le terrorisme fixant ce terme prescrit que ces victimes doivent être soit françaises ou présentes sur le sol français lors de l'attentat. Avec cette mesure, le Gouvernement entend supprimer une inégalité de traitement injustifiée et ouvre un droit nouveau. En revanche, il n'entend pas revenir sur la forclusion résultant de la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 concernant les nouvelles demandes d'indemnisation pour les victimes ayant subi des attentats en relation avec la guerre d'Algérie entre 1954 et 1962, ce droit étant ouvert de 1962 à 2018. Nous ne reviendrons pas sur cette disposition mais il va de soi que le versement des pensions aux victimes ayant déposé leur demande avant la date de la forclusion demeure.

Nous comptons en effet de grandes et belles figures féminines, de combattantes de l'ombre qui doivent être mises en lumière.

La loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 attribue la carte du combattant aux militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi qu'aux personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations en mission menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. Ces dispositions sont codifiées à l'article L. 312-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il convient en effet de distinguer la posture opérationnelle, qui est remplie par les SNLE, et la posture de guerre, laquelle doit impérativement réunir les critères que je viens de rappeler car il en va de la cohérence de notre doctrine de reconnaissance à l'endroit de ceux qui participent effectivement à un conflit. En raison de leur mission, les SNLE n'ont pas vocation à être actuellement engagés dans des conflits visés par les textes ouvrant droit à la carte du combattant ou au titre de TRN. Cette question ne se pose pas pour les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) dès lors que leur engagement dans une opération extérieure est indiqué par la marine nationale. Dès lors, les personnels des SNA sont éligibles à la carte du combattant et au TRN sous réserve de satisfaire aux critères définis par le règlement en vigueur, soit 120 jours de présence en Opex ou autres conditions de droit commun. Il n'est pas rare de délivrer ces cartes et titres aux personnels des SNA, lesquels sont souvent titulaires de jours de présence en unité combattante ou en action de feu et de combat. Je comprends toutefois votre inquiétude et je me pencherai sur ce problème avec les services concernés.

Je répondrai donc par écrit à M. Roussel à propos du dossier relatif à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, suivi par les services du Premier ministre. Nous proposerons également de nouvelles actions afin que le budget du ministère des anciens combattants et de la mémoire soit maintenu.

Le Mémorial de Verdun a été érigé en 1967 – sous l'égide de Maurice Genevoix, alors président du comité national du souvenir de Verdun (CNSV) – sur les ruines du village de Fleury-devant-Douaumont. Il accueille un public aux attentes variées – anciens combattants, scolaires, étudiants, érudits ou simples visiteurs – qui découvrent l'histoire de cette bataille emblématique à travers des collections sans cesse enrichies. Dans le cadre des commémorations du centenaire de Verdun, en 2016, le CNSV, soutenu par le conseil départemental de la Meuse, a souhaité lancer un ambitieux programme de requalification du Mémorial, ce qui passait notamment par sa transformation en site majeur de la grande guerre. Depuis, la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) a contribué financièrement à trois expositions temporaires : en 2019, Verdun - 7 millions ! Les soldats prisonniers de la Grande Guerre ; en 2021, « On ne passe pas ! » : Les fortifications du système Séré de Rivières à la ligne Maginot ; en 2022, ART /ENFER : créer à Verdun 1914-1918. La DMCA a apporté à l'EPCC Mémorial de Verdun-Champ de bataille des accompagnements financiers à hauteur de 21 000 euros. Le Mémorial fait partie du réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains animé par la DMCA. Vous avez évoqué sa rénovation mais celui-ci ne relève pas de nous : tout au plus pouvons-nous accompagner les travaux.

S'agissant du nombre de personnes concernées par l'extension de la notion de victimes d'acte de terrorisme, nous dénombrons selon l'étude d'impact que nous avons menée 40 personnes décédées et 200 blessés.

S'agissant des actions de soutien à l'enseignement de défense, la DMCA accorde une subvention d'environ 400 000 euros par an pour 1 000 projets environ. Un apport est également octroyé à des projets de classes, dont certains – je songe en particulier aux opérations Héritiers de Mémoire – sont valorisés par l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD). Chaque fois que nous le pouvons, nous organisons des actions en direction de la jeunesse. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de remettre des prix dans le cadre du projet Bulles de mémoire, mené par des classes de troisième. Cette année, le thème de la guerre avait été choisi – première ou deuxième guerre mondiale, guerre d'Algérie –, sur lequel les jeunes ont réalisé une bande dessinée ; ils peuvent également réaliser des jeux vidéo. Nous continuerons de soutenir ces actions, mon ministère étant donc le deuxième acteur culturel de l'État, tout en adaptant et en modernisant nos actions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion