C'est le premier budget que j'ai l'honneur de défendre devant le Parlement et, après avoir en effet siégé pendant cinq ans au sein de votre commission, je le fais avec beaucoup d'émotion et de fierté. Ce budget, c'est celui du monde combattant, de la mémoire, du lien entre les armées et la nation ; c'est celui de la reconnaissance et de la transmission : reconnaissance de l'engagement au service de la France, des Françaises et des Français ; transmission des valeurs républicaines, de la culture de défense et des forces morales.
Représentants de la nation à l'écoute des anciens combattants qui sont très présents dans vos territoires, chacun d'entre vous entretient avec eux des relations étroites. Je vous sais attachés, comme moi, aux enjeux de ce budget. Aussi, c'est pour maintenir et développer cette proximité que je mène un dialogue nourri et fructueux avec les associations et les représentants de ceux qui ont œuvré pour la défense de notre nation. Il serait inconcevable que je ne les associe pas à mon action, que je veux ambitieuse et déterminée. L'objectif est de maintenir les droits du monde combattant, de consolider la reconnaissance de la nation à son égard, de nous assurer que les dispositifs existants soient parfaitement déployés et, s'il le faut, améliorés. Dans cette perspective, je veux que les combattants, à l'instar de tous les Français, puissent bénéficier d'un versement à la source pour leurs droits à reconnaissance et réparation.
À travers ces trois axes principaux, il s'agit de garantir les moyens de chacune des missions dont j'ai la responsabilité, mais également de les organiser ensemble de manière à ce que chacune d'entre elles soutienne et enrichisse les autres. Le soutien au monde combattant sert le travail de mémoire. L'action culturelle et de recherche historique se nourrissent de la transmission aux jeunes générations, qui peuvent alors s'emparer de ces sujets et participer à leur tour à la reconnaissance des anciens combattants ainsi qu'aux efforts de résilience de la nation. La proximité avec les anciens combattants, qu'elle soit géographique ou empathique avec les actions de solidarité menées à leur intention, est un paramètre déterminant de la réussite de notre politique mémorielle et de soutien au monde combattant.
Tout d'abord, ce budget garantit les droits acquis du monde combattant. Il est doté de 1,8 milliard au titre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Nous poursuivons ainsi l'effort qui consiste à limiter l'évolution des crédits à due proportion de la diminution du nombre de bénéficiaires de la dette viagère, tout en maintenant les crédits de solidarité à un niveau inchangé.
Ce budget traduit l'engagement du Gouvernement à maintenir l'ensemble des droits budgétaires et fiscaux des combattants et de leurs ayants droit. Dans cet esprit, j'ai engagé un travail pour m'assurer de la revalorisation effective de 3,5 % de la retraite de ces derniers. Je peux ainsi vous annoncer que le point d'indice de la pension militaire d'invalidité (PMI) sera revalorisé dès le 1er janvier 2023, avec un an d'avance sur ce que prévoit le code des pensions militaires d'invalidité, ce qui permettra de refléter la hausse de la rémunération des fonctionnaires. Je vais lancer la préparation du décret en Conseil d'État qui permettra d'intégrer cette revalorisation ainsi que l'augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique de l'État du 1er juillet 2022.
Ce budget compte également des mesures nouvelles qui traduisent notre ambition pour le monde combattant. Ces initiatives résultent d'une large concertation qui a rassemblé les services ministériels, les représentants des associations d'anciens combattants et les parlementaires.
La première d'entre elles concerne les blessés psychiques, les Sans blessures apparentes, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Jean-Paul Mari.
Ce dispositif innovant de réhabilitation psychosociale consacré à l'accompagnement des blessés psychiques qu'est les maisons Athos, pris en charge par l'armée de terre et qui arrive à son terme, sera désormais placé sous la responsabilité de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), qui disposera d'un budget de 2,9 millions. La construction d'un quatrième établissement sera lancée cette année.
Autre mesure nouvelle : nous allons étendre la période de prise en compte de la qualité de victime d'actes de terrorisme aux victimes d'attentats survenus avant 1982. Les dizaines de blessés de l'attentat de la synagogue de la rue Copernic d'octobre 1980, par exemple, en bénéficieront désormais. Une enveloppe d'1 million est affectée à cet élargissement de la reconnaissance et du soutien aux victimes d'actes de terrorisme.
Enfin, 2,4 millions supplémentaires seront consacrés à l'entretien et à la rénovation du patrimoine mémoriel.
Une attention particulière sera apportée aux Harkis et à leur famille. Après tant d'années de silence et de déni de l'État, il est de notre devoir de faire connaître pleinement à la nation les anciens combattants qu'ils furent. L'histoire de leurs grands-pères et de leurs pères, qui s'étaient déjà battus pour la France, doit être connue et les préjudices qu'ils ont subis réparés.
Le quinquennat qui s'ouvre est l'occasion de prolonger les avancées significatives en faveur des Harkis et de leurs enfants amorcées à la fin du mandat précédent. La dotation pour le financement du droit à la réparation prévu par la loi du 23 février 2022 sera augmentée de plus de 30 %, ce qui portera l'enveloppe à 60 millions contre 46 millions en 2022. Je tiens en outre à ce que l'on renforce les moyens humains et matériels pour l'instruction des dossiers de reconnaissance, de réparation et de solidarité en faveur des Harkis. Aucune de ces démarches ne pourrait être concrétisée sans consolider les opérateurs du ministère des armées chargés du monde combattant. Leurs moyens sont donc reconduits.
Concernant l'ONACVG, le contrat d'objectif et de performance est en application et le maillage départemental est maintenu. L'ONACVG est le « guichet » du monde combattant pour accéder à ses droits. À quelle efficacité pourrions-nous prétendre en pérennisant ces droits et en ouvrant de nouveaux dispositifs si les bénéficiaires ne pouvaient pas en être convenablement informés ni y accéder facilement ? La proximité géographique est primordiale pour les ressortissants de l'ONACVG, a fortiori parce que certains sont âgés ou blessés. Le maillage départemental assure la présence de l'État au plus près des bénéficiaires et constitue une garantie d'accès au service public. Nous y tenons tous car l'enjeu de proximité est essentiel.
Lors de chacun de mes déplacements, j'ai pu mesurer l'investissement des équipes et la nature des demandes des ressortissants. Le montant de la subvention de fonctionnement de l'Office est revalorisé de 3,8 millions, pour atteindre 60,2 millions. Nous maintenons son budget d'action sociale au niveau élevé de 25 millions. Nous ne le dirons jamais assez, mais l'action sociale de l'ONACVG joue un rôle essentiel pour le monde combattant. Cette autre forme de proximité est également indispensable.
Les aides financées versées par l'ONACVG dans le cadre de l'action sociale permettent aux combattants qui en ont le plus besoin de vivre et d'affronter les moments difficiles, mais l'action sociale passe également par un accompagnement et une présence à leur côté. Souvenons-nous que, pendant la pandémie de covid-19, les services départementaux de l'Office ont maintenu un lien constant avec l'ensemble de leurs ressortissants, particulièrement fragiles et isolés. La subvention de fonctionnement de l'Institution nationale des invalides (INI) est revalorisée de 700 000 euros pour atteindre 13,7 millions. Afin de poursuivre les travaux d'infrastructure, la subvention pour charge d'investissement de l'INI est en nette augmentation : 6,7 millions de crédits de paiement permettront d'achever la rénovation du bâtiment Robert de Cotte. Par ailleurs, l'Institution bénéficie aussi, au titre du plan de relance, d'un financement à hauteur de 866 800 euros pour le projet de mise en sécurité du coeur informatique de l'hôpital.
Enfin, la subvention de l'Ordre national de la Libération est en légère hausse, avec 1,74 million, ce qui permet d'intégrer le coût de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Alors que le dernier compagnon de la Libération nous a quittés, le rôle de l'Ordre est plus que jamais crucial pour rendre hommage à ces femmes et hommes d'exception. Faire rayonner l'Ordre de la Libération à travers l'engagement des Compagnons de la Libération et des Médaillés de la Résistance, c'est développer l'esprit de défense et transmettre aux jeunes générations les valeurs qui fondent notre nation.
En 2023, le ministère des armées restera à la pointe du travail de mémoire et de valorisation culturelle. Nous maintenons la dynamique d'augmentation avec un budget consacré à la mémoire en hausse de 20 %, pour atteindre près de 21 millions. Le patrimoine mémoriel, placé sous la responsabilité du ministère des armées, est particulièrement riche. Composé de 1,1 million de sépultures réparties dans 80 pays différents, de 290 nécropoles nationales, de 2 170 carrés militaires, de 45 cimetières militaires dans six territoires ultra-marins ainsi que de 10 hauts lieux de la mémoire nationale, ce patrimoine fera l'objet d'une attention renforcée avec un budget de 10,37 millions, soit une augmentation de crédit de 28 % par rapport à la loi de finances pour 2022.
Un budget de 1,5 million sera par ailleurs consacré en 2023 aux commémorations des douze journées nationales et aux célébrations liées aux thématiques mémorielles. L'année 2023 prévoit ainsi un cycle mémoriel consacré au 80e anniversaire de la seconde guerre mondiale, autour de la création du Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943, de la mort de Jean Moulin sous la torture en juillet 1943, de la libération de la Corse en septembre 1943, de l'action du général Juin et du corps expéditionnaire français en Italie lors de la bataille de Monte Cassino et de la courageuse attitude des dissidents antillais. L'année 2023 marquera également le 70e anniversaire de la fin de la guerre de Corée, à laquelle la France a pris part sous mandat de l'ONU. Enfin, l'anniversaire du dramatique attentat contre les troupes françaises au Liban, en 1983, sera l'occasion de rendre hommage aux soldats français tombés en opération extérieure (Opex) depuis 1963. Je souhaite d'ailleurs que cette année 2023 mette davantage en valeur les combattants des opérations extérieures, cette quatrième génération du feu. J'ai la volonté et le projet de travailler avec l'ensemble des acteurs pour faire mieux connaître et mettre à l'honneur le monument aux soldats tombés en Opex installé dans le parc André-Citroën à Paris.
Le tourisme de mémoire, qui irrigue et dynamise nos territoires, reste toujours un vecteur d'attractivité important, avec 6 millions de visiteurs en 2021. Le ministère des armées poursuivra sa politique d'accompagnement et de soutien aux initiatives dans ce domaine. Un budget de 800 000 euros sera consacré aux projets de partenariat avec les territoires, notamment aux projets muséographiques et mémoriels soutenus par des collectivités territoriales ou des associations qui cherchent à créer ou moderniser leur équipement ; 200 000 euros seront dévolus à la politique du tourisme mémoriel pilotée sur le plan national par le ministère des armées ; 100 000 euros contribueront au financement de la rénovation des monuments aux morts.
La politique culturelle du ministère des armées est ambitieuse, volontariste, et prend de nombreuses formes. Ce ministère est ainsi le deuxième acteur culturel de l'État en touchant tous les domaines de ce secteur : patrimoine immobilier ou mobilier, peinture, musique, littérature, mais aussi les arts vivants, le cinéma, le théâtre, les jeux vidéo et la bande dessinée. Une directive culturelle triennale 2020-2023 permettra de mettre en œuvre cette politique, qui vise d'abord à conserver et valoriser l'important patrimoine culturel : bâtiments historiques, musées, archives et bibliothèques du ministère des armées. La rénovation du musée national de la marine – dont j'ai eu le plaisir de visiter le chantier – se poursuit, l'inauguration étant prévue à la fin de 2023. Des investissements seront également réalisés sur les sites de Brest et de Port-Louis. Des études sont aussi lancées à Rochefort, sur le site du musée, mais aussi sur celui de l'ancienne école de médecine navale. Le musée de l'air et de l'espace poursuit sa modernisation grâce à d'importants travaux d'infrastructure qui permettront de préserver les collections et d'enrichir le parcours de visite. J'irai inaugurer d'ici la fin d'année sa nouvelle médiathèque-ludothèque. Le musée de l'armée, premier site visité lors de l'édition 2022 des journées européennes du patrimoine, n'est pas oublié. La première phase du projet d'extension et de modernisation vise à améliorer les conditions d'accueil des visiteurs et à étendre notre muséographie avec un premier parcours centré sur l'histoire des Invalides. Le développement des systèmes de gestion et d'information des archives et des bibliothèques sera soutenu, notamment pour accompagner le passage à l'archivage numérique du Service historique de la défense (SHD). Nous continuerons ainsi à sauvegarder les sources de l'Histoire, dont j'ai pu apprécier toute la richesse en me rendant à Vincennes et à Caen.
Il convient aussi de promouvoir le patrimoine militaire grâce à l'édition d'ouvrages et de revues ainsi qu'à la production et à la diffusion de documentaires audiovisuels ou à l'organisation d'expositions et de colloques. Nous devons aussi encourager la recherche historique en soutenant les jeunes chercheurs par le biais d'allocations de thèse ou de contrats doctoraux. J'ai par ailleurs engagé cette année une stratégie de renouvellement et d'amélioration de notre soutien à l'enseignement de défense, en lien avec le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'agriculture.
Ces différents leviers favorisent la résilience de la nation. Ils participent au développement des forces morales de notre pays en s'adressant à nos citoyens ; ils renforcent le lien entre les armées et la nation ; ils soutiennent les vocations et l'engagement des militaires et favorisent leur recrutement. En cela, la politique culturelle du ministère des armées est partie prenante du soutien de la politique de défense.
La relation entre l'armée et la jeunesse est un enjeu de société, de citoyenneté et de cohésion. Le budget que je vous propose consacre 21,2 millions à la journée défense et citoyenneté (JDC), en augmentation de 4 %. La JDC, dont l'un des principaux objectifs est le renforcement de la cohésion nationale et l'insertion de nos jeunes dans la société par le rappel des droits et devoirs de chaque citoyen, concourt à la légitimation de l'effort militaire consenti par la nation.
Je suis au travail ! Ce budget inaugure un quinquennat qui perpétuera une grande ambition au service du monde combattant, de la mémoire et du lien armée, nation, jeunesse. Il est donc aussi celui de la résilience de la nation, enjeu fondamental pour le renforcement de la cohésion nationale en cette année qui a vu réapparaître un conflit de haute intensité sur le continent européen.