Voilà plusieurs mois que j'alerte les pouvoirs publics, les gouvernements successifs et le ministre de l'agriculture sur la propagation malheureuse, dans l'Orne et le sud du Calvados, de la tuberculose bovine. Cette maladie, qui suscite une grande inquiétude chez les éleveurs, entraîne l'abattage systématique de milliers d'animaux. Du fait du peu de fiabilité des deux tests disponibles sur le marché, il faut attendre l'abattage des bêtes suspectes pour que la contamination soit confirmée ou infirmée : pendant ce temps, les exploitations concernées peuvent se retrouver à l'arrêt pour plusieurs semaines.
Dans la mesure où la zone de prophylaxie a été considérablement étendue, ce sont donc, depuis plusieurs semaines, des dizaines de milliers d'animaux qui sont testés. Les nombreux faux positifs entraînent des abattages en très grand nombre. Les éleveurs, attachés à des bêtes qu'ils ont parfois mis des décennies à sélectionner, sont choqués par ces mesures qui, en quelques minutes et sur de simples suspicions, réduisent leur travail à néant – et ce d'autant plus qu'il s'avère que la presque totalité de ces bêtes abattues sont saines.
Il faut ajouter à cela les inquiétudes de la filière lait cru quant à l'approvisionnement nécessaire à la fabrication du célèbre Camembert AOP (appellation d'origine protégée), dont les sites de production se trouvent au cœur de la zone contaminée.
Il est urgent, madame la ministre, que les services de l'État réduisent autant qu'il est possible le temps pendant lequel les exploitations sont mises à l'arrêt.
Il est également urgent que l'indemnisation des éleveurs, en particulier quand c'est tout le cheptel qui est abattu à la suite de la découverte d'un cas avéré, soit à la hauteur du traumatisme et du préjudice financier qu'ils subissent.
Depuis plus d'un an, j'alerte votre ministère sur cette immense injustice que constitue la fiscalisation de ces indemnités au titre de l'impôt sur le revenu. Un éleveur ornais ayant récemment touché 1 million en compensation de l'abattage de ses 700 bêtes devra payer près de 140 000 euros supplémentaires en impôts sur le revenu, et ce même en bénéficiant d'un amortissement sur plusieurs années.
Dans la mesure où cette indemnité est destinée à la reconstitution du cheptel, et donc à celle de l'outil de production, il est profondément injuste qu'elle soit considérée comme un revenu supplémentaire imposable.
Il est donc indispensable que cette indemnisation n'entre pas dans le calcul de l'impôt sur le revenu, du moment que l'éleveur poursuit son activité. À défaut, il faudrait au moins que la somme versée prenne en compte ce surcoût d'impôts. Cette solution avait été choisie lors de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
J'ai déjà appelé votre attention sur ce sujet lors des discussions préalables à l'examen du projet de loi d'orientation agricole, qui fera tout à l'heure, dans l'hémicycle, l'objet d'un vote solennel. Les amendements que j'ai déposés en ce sens ont été malheureusement déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, car trop éloignés de l'objet du texte.
Il n'existe donc absolument rien à ce sujet dans le projet de loi d'orientation agricole, ce que je juge incompréhensible. C'est maintenant au Gouvernement qu'il revient de régler ce problème dans le cadre de la navette parlementaire, en introduisant dans le texte les dispositions nécessaires. Ce ne serait que justice pour les éleveurs normands : ils comptent sur vous.