Georges Ibrahim Abdallah est sans doute le prisonnier politique le plus ancien d'Europe : il a passé quarante ans derrière les barreaux et est libérable depuis plus de vingt ans.
L'abolition de la peine de mort s'est accompagnée de l'étirement des peines de réclusion criminelle assorties de peines de sûreté incompressibles. Bien plus silencieuses que les exécutions judiciaires, ces peines de morts lentes – ou « morts blanches » – sont interdites dans le droit européen des droits de l'homme. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) précise qu'un espoir de libération doit être offert à la personne condamnée à une peine perpétuelle ; ce serait sinon lui infliger un traitement inhumain et dégradant. Le réexamen de la situation du détenu doit être effectif et ne pas dépendre d'un pouvoir discrétionnaire.
M. Abdallah est condamné à une mort lente. Sa nationalité libanaise complique les modalités de la libération conditionnelle à laquelle il a pourtant droit, en le soumettant au régime juridique de la « libération-expulsion ». Par deux fois, le juge d'application des peines a confirmé sa demande de libération, qui n'a pu aboutir en l'absence d'un arrêté d'expulsion vers le Liban que l'exécutif tardait à prendre. Les États parties civiles à cette procédure, lorsqu'ils échouent à contrecarrer la requête de M. Abdallah devant les tribunaux, exercent des pressions diplomatiques importantes pour empêcher l'aboutissement de ses démarches – et qu'importe le fait que, chaque année, l'avocat de Georges Ibrahim Abdallah obtienne des autorités diplomatiques du Liban les courriers attestant que ce pays est prêt à l'accueillir.
Je demande au ministre de l'intérieur non pas d'interférer dans une décision judiciaire – pouvoir dont, fort heureusement, il ne dispose pas – mais de respecter la dignité de la personne humaine en édictant sans délai cet arrêté d'expulsion vers le Liban. Ainsi cet homme de 73 ans sera-t-il libéré de son calvaire.