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Intervention de Clément Beaune

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClément Beaune, rapporteur :

Je vous remercie pour ces échanges déjà riches. J'ai le sentiment à vous écouter que l'on reproche à ce texte, qui va évoluer, à la fois d'être un petit pansement, pour vous citer, monsieur Masson, et une surenchère pénale. Madame Regol, vous avez dit que c'était un texte fourre-tout pas très musclé – je suis surpris que vous appeliez à le muscler – tout en affirmant qu'il est affreusement liberticide. Il faut choisir. Il ne peut pas être ridicule et vide, ou vide et dans la surenchère. Il faut trouver un équilibre, et c'est ce que nous allons essayer de faire, au-delà des postures. Si certains groupes, notamment La France insoumise, ne proposent que des amendements de suppression, d'autres, dont le vôtre, madame Regol, proposent d'entrer dans l'intimité du texte, afin d'examiner pragmatiquement les mesures utiles, article par article.

Je ne prétends pas que le texte soit le condensé de toutes les questions de sécurité, et encore moins de toutes les questions de mobilité et de transport. Il n'y a pas d'opposition entre le fait de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie de l'opération Sentinelle et de renforcer les prérogatives des forces de sûreté. Il n'y a pas d'opposition entre avoir plus de transports et une offre renforcée, entre travailler sur la question des tarifs, sur celle des transports de nuit, notamment le transport à la demande, et renforcer les effectifs et les prérogatives de sécurité de nos forces de sûreté interne.

Je note d'ailleurs avec étonnement une forme d'éloge inattendu de la police par M. Portes et Mme Faucillon : vous voulez plus d'effectifs de police dans les transports. Tant mieux, parce qu'il y en a plus, même si vous ne les avez pas votés. Pour prendre un exemple concret, nous avons augmenté de 20 % en un an les effectifs de la sûreté ferroviaire. Mais si on ne donne pas les compétences qui vont avec, renforcer les effectifs n'est pas suffisant. N'opposons pas les choses les unes aux autres.

Je ne prétends pas que la révolution des transports publics repose sur ce seul texte et sur les seules questions de sécurité. Mais soyons pragmatiques, il n'y a pas à opposer l'amélioration de l'offre de transport et le renforcement de la sûreté. C'est un fait, prouvé par les chiffres de l'Union des transports publics et ferroviaires, qui regroupe des collectivités de toutes sensibilités : la sécurité est le premier motif – j'en ai moi-même été surpris – de choix d'un mode de transport, avant le coût et la qualité de l'offre. La question de l'offre de transport de nuit en est une très belle illustration. Il faut mettre des transports la nuit, mais 30 % des femmes y renoncent parce qu'elles ne s'y sentent pas en sécurité. C'est une question de présence humaine, mais cela n'empêche pas de poser celle des compétences.

Je ne peux pas laisser dire, notamment par vous, monsieur Portes, qui connaissez bien le secteur des transports, que nous aurions des agents de sécurité privée voire des mercenaires qui seraient des « cowboys des transports ». Les agents de la Suge, ce sont des cheminots, ce ne sont pas des sous-agents publics. Les agents des GPSR ne sont pas des sous-agents publics non plus. D'ailleurs, si l'on parle de ce sujet ce matin, c'est parce que c'est le législateur qui encadre leurs compétences. Ce n'est pas la loi de la jungle. Et ce ne sont pas des agents de sécurité privée ordinaires, qui représentent une catégorie respectable et nécessaire pour nos événements publics comme pour nos transports. Le texte mentionne une catégorie très spécifique d'agents, très encadrée par la loi. Actuellement, ils suivent plus de six mois de formation initiale, après une sélection très stricte – seuls 10 % des gens sont retenus. Ils suivent également une formation continue, deux fois par an, notamment pour le tir.

Nous ne sommes pas non plus dans un univers orwellien. Si George Orwell avait utilisé le code des transports pour écrire ses bouquins, il aurait sans doute eu moins de succès ! Voyons aussi comment les débats évoluent. Vous savez mieux que moi que les caméras-piétons, historiquement, c'étaient les syndicats des forces de sécurité intérieure qui n'en voulaient pas, parce qu'ils trouvaient que c'était trop intrusif. Aujourd'hui, ce sont ces forces elles-mêmes qui reconnaissent qu'elles font baisser la tension, que ce sont des dispositifs préventifs. Le législateur a d'ailleurs prévu des expérimentations. C'est aussi important d'être pragmatiques. Nous ne sommes pas tout à fait chez Orwell quand la caméra-piéton est en expérimentation explicitement autorisée par le législateur et que sa pérennisation est de nouveau soumise à l'approbation expresse du législateur.

J'entendais Mme Regol expliquer que l'on se laissait embobiner par ce texte. Le législateur ne se laisse pas embobiner par un texte qu'il élabore lui-même.

Certaines évolutions du texte sont indispensables pour le rééquilibrer. Par exemple, je pense que l'on ne peut pas traiter la mendicité comme de la fraude, la petite délinquance comme de la délinquance terroriste, ce qui ne signifie pas qu'il faille exclure de les traiter. On ne peut pas considérer une étourderie telle qu'un oubli de bagage comme une intention de perturber les transports ou d'agresser ou de menacer des personnes. Néanmoins, il faut un certain nombre de mesures d'action, dont nous discuterons de la proportionnalité.

On a parlé de populisme. Le populisme, ce serait de faire croire qu'il y a zéro enjeu en matière de sécurité ferroviaire. Monsieur Portes, vous avez assisté à un certain nombre d'auditions – pas à celle de la Cnil, je le regrette – et vous n'aviez pas le même ton, quand vous aviez en face de vous les opérateurs de transport et les autorités organisatrices de la mobilité. Vous êtes entré dans le détail concret, juridique, opérationnel de ces propositions. Bien sûr, des questions budgétaires se poseront. Bien sûr, nous devons renforcer et améliorer l'offre de transport. Cela ne veut pas dire que la question de la sécurité est secondaire ou anecdotique. Ce texte n'est pas la fin de l'histoire de nos transports.

Je tiens beaucoup à la méthode, qui a consisté à auditionner de manière large. Nous avons mené encore plus d'auditions que nos collègues du Sénat. Sur la question des libertés publiques, j'ai voulu que l'on auditionne les associations des usagers, qui ont également remis une contribution écrite, tout comme la Cnil, qui nous a alertés sur certains points, sans jamais dire que ce texte posait en lui-même des problèmes scandaleusement liberticides.

Quant à la Quadrature du Net, j'ai proposé à cette association, comme à toutes celles qui nous ont sollicités mais que nous n'avons pu auditionner, de transmettre une contribution écrite. Cet organisme ne l'a pas souhaité. Je regrette que nous soyons entrés dans une forme de médiatisation, mais il est encore temps de formuler des propositions précises. Quoi qu'il en soit, je vous renvoie, monsieur Portes, au compte rendu de l'audition de la Cnil, à laquelle vous n'avez pu participer.

Monsieur Molac, même si je suis député de Paris, soyez assuré que le texte, dont l'auteur est d'ailleurs un sénateur des Alpes-Maritimes, n'est pas destiné aux seuls Parisiens ou Franciliens. M. Vuilletet, avec toute l'expertise que nous lui connaissons, l'a indiqué : un seul article porte sur un sujet purement francilien, en l'occurrence la passionnante et passionnée question du centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS) – nous y reviendrons. Mais les dispositions prévues à l'article 1er, relatif aux palpations et pour lequel un équilibre reste à trouver, concernent principalement les autres régions de France. En effet, si un arrêté est systématiquement pris par le préfet de police pour autoriser ces palpations à Paris et en Île-de-France, il n'en va pas de même dans les autres métropoles et les autres territoires. Quant aux questions relatives aux transports collectifs et publics, elles sont moins rurales que métropolitaines : d'autres opérateurs que le GPSR et la Suge seront concernés, même s'il est vrai que leurs effectifs sont moins importants.

Monsieur Coulomme, vous qui, comme moi, prenez certainement les transports en commun, reconnaîtrez que les hommes et les femmes en bleu de la SNCF et de la RATP sont bien identifiés par nos concitoyens. La Suge a été créée en 1914 : nous avons eu le temps de nous y habituer. Je me rappelle d'ailleurs d'une fausse alerte à la station Bibliothèque-François-Mitterrand lors de laquelle des agents de la sûreté ferroviaire étaient intervenus alors qu'une femme menaçait d'activer une ceinture d'explosifs. Cela aurait aussi bien pu être des agents de police : les services sont complémentaires. Il est en effet absurde – vous en avez certainement été victime – d'interrompre une ligne pendant deux ou trois heures, le temps que les forces de sécurité interviennent, alors que la même mission aurait pu être accomplie par les opérateurs de la sûreté ferroviaire ou de la RATP.

En définitive, la philosophie du texte est de reconnaître la spécificité de la sûreté des transports publics. Celle-ci n'est pas assurée par des agents de sécurité privés, ni par les forces de sécurité intérieure : ma position est claire sur ce point, tout comme doit l'être la proposition de loi. Les forces de sécurité bénéficient d'une formation plus importante et leurs prérogatives de police judiciaire ne doivent pas être conférées aux agents de sûreté des transports publics. À mon sens, le texte, que je proposerai de faire évoluer en ce sens, devrait consacrer ces personnels comme de véritables auxiliaires des forces de sécurité intérieure.

CHAPITRE Ier

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