Cette proposition de loi s'inscrit très clairement dans la lignée de la loi Savary-Le Roux de 2016 et de la loi sécurité globale de 2021, à laquelle nous étions résolument opposés. Elle poursuit le désengagement progressif de l'État en matière de sécurité publique. Le titre même nous pose problème, puisque nous pensons que cette pente sécuritaire qui, bien souvent, s'accompagne de biais discriminants apportera moins de sûreté aux usagers des transports en commun. La notion de continuum de sécurité, déjà développée dans le livre de la sécurité intérieure de 2020, acte le dessaisissement de la souveraineté étatique par elle-même, en assumant que les forces de sécurité intérieure ne peuvent pas répondre seules à l'ensemble des problèmes de sécurité et qu'il convient de donner des moyens à d'autres acteurs, en étendant leurs compétences et en leur permettant finalement d'exercer la force légitime qui est normalement attribuée à la police. Le groupe GDR n'a cessé d'appeler au développement de la formation initiale et continue des agents de police. Les agents de la GPSR n'ont que quinze semaines de formation et le MODEM propose de leur donner la légitime défense !
La proposition de loi vise des objectifs de natures très diverses : prévention du risque terroriste, lutte contre les incivilités et la fraude, approfondissement de la coordination entre les différents types d'agents. Il y a un peu de tout et pas grand-chose pour la sûreté des usagers.
Le Gouvernement a appelé le texte de ses vœux et cette réforme est aujourd'hui présentée dans le cadre d'une proposition de loi du groupe LR du Sénat, cosignée par des sénateurs de droite et du centre. On ne dispose donc ni d'étude d'impact ni d'avis du Conseil d'État sur ce texte qui ne s'appuie sur aucune évaluation précise des mesures existantes, alors même qu'il s'agit d'attenter encore un peu plus à nos libertés publiques.
Par ailleurs, le recours à la procédure d'urgence, justifié par l'échéance des Jeux olympiques, est également problématique, dans la mesure où l'application de la réforme n'est pas circonscrite à cette période. Relevons également au passage que, selon les chiffres du ministère de l'intérieur, en 2023, le nombre de victimes enregistrées pour vol ou violence continue de diminuer. Si la sûreté du système de transport collectif constitue un enjeu stratégique pour garantir une mobilité efficace et sûre des citoyens, le renforcement des missions des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, qui ne disposent pas de l'arsenal juridique garantissant l'exercice de la force légitime propre aux forces de l'ordre, la création de nouvelles infractions pénales et le renforcement du recours aux moyens technologiques, notamment au traitement algorithmique, posent largement question au regard de l'équilibre entre les exigences de sûreté et celles de respect des libertés.
Le renforcement de l'arsenal pénal, avec la création de nouveaux délits, nous semble non seulement inutile et inefficace mais aussi dangereux, du fait de tous les biais discriminants qui visent largement les classes populaires et les personnes racisées. Le délit d'incivilité d'habitude est très vaste et largement disproportionné. La délictualisation de l'oubli par négligence d'objets et de bagages dans les transports en commun et l'établissement d'une peine complémentaire d'interdiction de paraître ne nous semble ni adaptés ni réalistes en matière humaine et financière.
Nous sommes résolument opposés à ce texte. Ce dont on a besoin, ce sont des moyens pour recruter des agents et disposer de transports fiables et efficaces.