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Intervention de Thomas Portes

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Portes :

Sommes-nous en train de donner vie aux pages les plus sombres de l'œuvre de George Orwell ? À mesure que vos lois sont adoptées, la liberté de mener une vie ordinaire et privée, loin des intrusions et du voyeurisme de l'État, disparaît. Fichage, traçage, soupçons : ce texte porte les marques d'un État autoritaire qui veut asseoir le contrôle sur sa population.

En 2015, lorsque la France a déposé sa candidature à l'organisation des Jeux olympiques, de grandes promesses ont été faites, comme la gratuité des transports ou l'ouverture de nouvelles lignes de RER et de métro. À l'approche de la ligne d'arrivée, ces rêves se muent en cauchemar pour les Franciliens. La gratuité a été balayée par l'inflation et, entre l'ouverture à la concurrence et les sous-effectifs, un quart des bus et jusqu'à deux métros sur dix font défaut. Les réseaux sociaux regorgent d'images de quais bondés et de témoignages d'usagers confrontés à des difficultés quotidiennes, laissant planer une question inquiétante : comment se déplacera-t-on pendant les Jeux olympiques ?

Pour atteindre l'objectif de report modal évoqué par le rapporteur, il faut proposer des transports collectifs de qualité, fiables, opérés par des agents en nombre suffisant. Alors que nous devrions repenser ce service public et engager un débat sur la gratuité, alors que le réseau se détériore à vue d'œil et que le manque de personnel est criant à deux mois des Jeux olympiques qui draineront 15 millions d'utilisateurs supplémentaires, que proposez-vous ? La surveillance de masse et la coercition pénale, maquillées sous le nom de « sûreté » ! La sûreté, ce devrait pourtant être l'absence de souci et la garantie pour chaque individu de pouvoir vivre sans être inquiété du respect de ses droits.

L'exposé des motifs éclaire crûment vos objectifs : contrôle et surveillance, à chaque moment de la vie dans l'espace public. L'association La Quadrature du net, dont je regrette que vous ayez refusé de l'auditionner – à l'image des organisations syndicales –, a tenté d'alerter sur les dangers de cette proposition de loi qu'elle décrit comme la « petite sœur » de la loi pour une sécurité globale. Votre mécanique liberticide est désormais bien connue : instrumentaliser les peurs et la lutte contre le terrorisme pour déployer un arsenal juridique propice aux dérives sécuritaires.

Alors que les expérimentations de vidéosurveillance algorithmique prévues par la loi relative aux Jeux olympiques ont à peine commencé et qu'aucune évaluation n'a été réalisée, le texte tend à autoriser les agents de la SNCF et de la RATP à accéder à ces logiciels, sans aucune étude d'impact ni avis de la Cnil. Vous assumez de plus en plus ouvertement votre projet politique, à savoir la généralisation de la surveillance algorithmique des espaces publics, réduisant d'autant l'anonymat et les libertés, sans égard pour les risques de pratiques policières discriminatoires. Le populisme pénal est votre seule action : tout ce que vous savez faire, c'est légiférer pour régir, toujours à moindre coût, les faits et gestes de nos concitoyens. Tout devient susceptible d'être sanctionné pénalement : l'occupation d'une place réservée par un autre voyageur, l'empêchement de la fermeture des portes avant le départ d'un train et même l'oubli d'un bagage. Vous allez jusqu'à criminaliser la mendicité dans les transports en commun et les gares, réinstaurant ainsi un délit de pauvreté qui n'existait plus depuis 1994.

Si cette proposition de loi était adoptée, les agents de la SNCF et de la RATP se verraient octroyer le droit de réaliser des palpations dans des circonstances ambiguës, sans aucune autorisation préalable ni contrôle ultérieur. La marge d'appréciation laissée aux agents nourrit pourtant déjà lieu le délit de faciès : d'après la Défenseure des droits, les individus perçus comme noirs ou arabes sont quatre fois plus susceptibles d'être soumis à des palpations de sécurité par la police. Désormais, vous voulez les poursuivre jusque dans les gares !

Vous entendez confier à des agents parapublics ou privés des missions d'intervention jusque-là réservées à la police. Nous refusons de déléguer la sécurité collective et les pouvoirs de police à des agents qui ne sont ni formés ni tenus au respect du principe de proportionnalité de l'action.

Ce texte, rédigé par et pour les partisans de la technopolice, emporte des atteintes flagrantes aux droits fondamentaux et s'inscrit dans la continuité de votre dérive autoritaire et sécuritaire. La généralisation de mesures de contrôle intrusives comme la palpation entretient la culture du soupçon. En étendant indéfiniment la vidéosurveillance et le relevé des empreintes digitales, inventions des prisons, vous traitez tous nos concitoyens comme des criminels potentiels.

Puisque vous vous prévalez du sentiment d'insécurité et que vous aimez donner des chiffres, je rappelle que 211 millions de voyageurs fréquentent la gare du Nord chaque année. Dans les gares et dans les trains, il faut avant tout plus de conducteurs et d'agents. Nous nous opposerons fermement à ce texte qui est à l'opposé de notre conception de la vie en démocratie.

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