Le choix a consisté à assumer de conduire une politique orientant la façon de produire tout en acceptant une certaine diversité, puisque les États membres ont toujours eu la latitude d'améliorer ou de durcir certains aspects de la PAC. Cela a abouti à une multiplicité de modèles agricoles. Des quotas ont été fixés, puis on a relibéralisé le marché et supprimé des volumes de production, ce qui a déstabilisé le système, en premier lieu la filière laitière. En effet, malgré l'instauration de quotas, certains pays avaient laissé se développer des exploitations qui produisaient de gros volumes, limitant les coûts de manière impressionnante. Quand les quotas ont disparu, les agriculteurs français, dont les exploitations étaient petites en comparaison, se sont trouvés face à des structures dont les coûts de production défiaient largement les leurs.
Depuis les années 2000, la PAC tend plutôt à compenser les efforts environnementaux demandés aux agriculteurs. Cela semblait louable et raisonnable puisque l'agriculture dépend de l'environnement et que, la population augmentant, celui-ci est de plus en plus affecté. Pour limiter l'impact, il s'agissait de soutenir les agriculteurs afin qu'ils demeurent compétitifs face aux pays qui ne font pas les mêmes choix agricoles visant à préserver l'environnement.
Selon nous, l'erreur a été d'oublier que pour réorienter les budgets de la PAC, en ne finançant plus la régulation du prix aux consommateurs, il fallait que ce dernier augmente. Or cela n'a pas marché. D'autres pays y sont parvenus parce qu'ils ont maintenu un faible coût social du travail. Je ne dis pas que c'est bien et je ne crois pas qu'en France les gens veuillent remettre en cause le niveau social, par exemple la rémunération du travail et l'accès aux soins, que certains jugent encore insuffisant. Quoi qu'il en soit, avec un coût horaire de la main-d'œuvre bien plus faible que le nôtre, ces pays nous imposent une compétition injuste.
Ainsi, certaines réformes nous ont déconnectés de la réalité du marché. On a continué à orienter la PAC de façon à influencer le modèle agricole, mais en décorrélant ce dernier de la réalité économique des entreprises. Cela nous a menés dans la situation que nous connaissons : les aides soutiennent les efforts environnementaux, et c'est tant mieux, mais comme la rémunération et les prix n'ont pas augmenté, le système économique ne tient plus. Même si le budget a été maintenu lors de la dernière négociation, l'inflation implique une baisse des compensations dans les exploitations.