Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, ancien ministre de la santé :

Dans les années quatre-vingt dix, un principe parfaitement stupide prévalait, dicté par les technocrates et les comptables et validé par les politiques : moins de médecins signifiait moins d'actes, donc moins de dépenses, donc moins de déficits. Or un pays doit être en mesure de répondre aux besoins de santé de sa population, et limiter le nombre de médecins entraînait fatalement une pénurie d'offre et une surcharge de travail pour les professionnels.

En 2003, le numerus clausus des médecins, dentistes inclus, était de 5 100 places. De mémoire, ce numerus clausus était de 5 700 en 2004 et 2005. Lorsque j'ai quitté mes fonctions en 2012, il était de 7 500 : cela représente donc une augmentation de 47 % par rapport à 2003.

Augmenter le numerus clausus a été un combat. Sur ce sujet, le ministère de la santé n'est pas le seul décisionnaire : il doit composer, négocier, parfois lutter, avec le ministère de l'enseignement supérieur. J'ai eu la chance, pour ma part, que le ministre de l'enseignement supérieur de l'époque, M. François Goulard, soit en phase avec mes propositions, ce qui nous a permis de dégager une vision commune. Le ministre de la santé doit également défendre sa position face aux doyens de faculté de médecine, qui opposent à l'augmentation du numerus clausus – et ils le font encore aujourd'hui – des problèmes matériels et pratiques.

Pourquoi ai-je augmenté ce numerus clausus ? En échangeant avec de jeunes médecins et de jeunes internes, j'ai pris conscience que les nouvelles générations ne souhaitaient plus travailler dans les mêmes conditions que les générations précédentes. Dès lors, il valait mieux former davantage de médecins – et par conséquent relever le numerus clausus – plutôt que risquer une pénurie.

Je m'en tiendrai à l'analyse de la période durant laquelle j'exerçais des responsabilités ministérielles et ne souhaite pas me prononcer sur les politiques menées ces dernières années. Mon regard sur la situation actuelle n'est d'ailleurs probablement pas l'enjeu de votre commission d'enquête.

Je peux néanmoins évoquer la tarification à l'activité. Je considère que la T2A n'était pas une mauvaise idée, parce que le système précédent – à savoir, le « budget global » – sanctuarisait et sacralisait des positions bien établies dans les hôpitaux : il créait, en fin de compte, des rentes de situation. La T2A a du sens à la condition de prendre en compte la spécificité de l'hôpital public. Un hôpital public n'est pas un établissement comme les autres : il est ouvert 365 jours par an, accueille tout le monde 24 heures sur 24 ; en outre, les centres hospitaliers universitaires (CHU) exercent une fonction d'enseignement et de recherche. Or cette réalité n'est pas prise en compte par une T2A à 100 %. J'ai d'ailleurs été sollicité pour accélérer la mise en place de la T2A à 100 %, mais je m'y suis refusé.

En tant que ministre de la santé, j'ai mis en place les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (Merri), afin de valoriser les carrières et de renforcer l'attractivité des métiers de santé. Je me suis également beaucoup appuyé, parce qu'elles prenaient en compte l'intérêt général, sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), qui permettaient de fournir des enveloppes aux agences régionales d'hospitalisation (ARH), que je privilégiais d'ailleurs par rapport aux agences régionales de santé (ARS). En outre, la tarification à l'activité a été calculée d'une manière assez bureaucratique et aurait dû être revue au fil des années, tant dans ses modalités que dans son contenu.

Le problème actuel de la T2A – et, en particulier, d'une tarification à 100 % – est de « miner » la possibilité d'intervenir pour répondre à des missions d'intérêt général ou à des facteurs spécifiques à certains établissements, et, surtout, de créer une concurrence entre certains services – ainsi, les services d'urgence ont été nettement défavorisés par rapport à d'autres services. Au sein d'un même groupe hospitalier public, une véritable concurrence peut s'installer entre les établissements.

Toutefois, malgré les inconvénients d'une tarification à 100 %, j'estime qu'il ne faut pas regretter le précédent système de budget global.

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