Intervention de Martial Gerlinger

Réunion du jeudi 4 avril 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Martial Gerlinger, directeur général d'Atosca :

En introduction, je voudrais vous dire mon plaisir d'être aujourd'hui devant cette commission pour répondre aux différentes questions. J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer ces sujets lors de mon audition du 16 janvier dernier par la rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, lors de l'examen de la pétition contre l'A69.

Dès le départ, Atosca a souhaité faire preuve de transparence et de concertation pour garantir la réussite du projet. En tant que concessionnaires, nous nous sommes fortement appuyés sur le travail préalable effectué autour de cette opération. L'intense dialogue démocratique sur ce territoire a finalement abouti à la DUP qui, avec les engagements de l'État confirmés en novembre-octobre 2020, forme les actes sur lesquels nous nous appuyons dans la réalisation de ce projet. La DUP de 2018, qui a fait suite à l'enquête publique de 2016-2017, a été la base de nos travaux engagés dès 2019.

Vous m'interrogez sur notre choix des bureaux d'études que vous avez auditionnés. Dès que la DUP a été effectuée et que nous savions qu'un appel d'offres serait prochainement lancé par l'État concédant, nous avons commencé à constituer un groupement de plusieurs entreprises et autres bureaux d'études. Nous savions qu'après le lancement de l'appel d'offres, nous n'aurions que quelques mois pour y répondre. Notre approche visait à anticiper au maximum les étapes pour comprendre le territoire, son environnement et à faire les diagnostics environnementaux qui conviennent en nous appuyant sur les meilleurs bureaux d'études. L'idée a été de monter un groupement mobilisant les compétences et l'engagement les plus forts pour réussir le projet et formuler la meilleure offre au concédant et aux acteurs publics.

Après l'appel à candidatures lancé à la fin de 2019, nous avons soumis une offre en février 2021 et avons été retenus comme « concessionnaire pressenti unique » en octobre 2021. Cette décision nous a permis de nous rendre sur le territoire pour commencer à préparer le terrain et échanger de façon plus précise avec les maires, les riverains et les chambres consulaires. En parallèle, nous avons finalisé le contrat et ses annexes qui ont été signées en avril 2022.

Nous avons poursuivi ce travail préparatoire pendant toute l'année 2022 avec les diagnostics archéologiques, les études détaillées, le dépôt de la demande d'autorisation environnementale, l'enquête publique, jusqu'à l'obtention de l'autorisation environnementale le 1er mars 2022.

À la suite de la DUP, nous avons tout d'abord constaté que l'amélioration de la mobilité sur ce territoire répondait à une demande – et je n'ai entendu personne affirmer le contraire. Ce bassin de vie se compose de 140 000 habitants et de 50 000 emplois. C'est aussi le dernier bassin de ce type qui n'est pas connecté à sa métropole par une autoroute.

Parmi les différentes variantes étudiées (le lien ferroviaire ou le réaménagement de la RN126), c'est in fine l'autoroute qui a été retenue. Bien que ce choix ait été fait avant nous, nous avons souhaité refaire toutes les études pour vérifier que, du point de vue environnemental en particulier, il n'y avait pas d'autre solution que celle du tracé tel que défini.

L'idée d'un réaménagement de la RN126, qui pouvait paraître assez séduisante au départ, impliquait de construire des carrefours dénivelés et un créneau de dépassement pour améliorer la fluidité, soit une solution des années 1960 donnant l'impression d'avoir la sécurité et du confort, mais qui aurait augmenté le risque d'accidents. Un aménagement correct de la RN126 consisterait à réaliser un axe de deux fois deux voies, ce qui reviendrait à empiéter davantage sur les bâtiments existants et inévitablement sur les milieux naturels. En somme, les impacts auraient été bien plus importants que ceux d'une autoroute nouvelle permettant de définir le tracé, en évitant les zones sensibles. Une fois encore, ce choix n'est pas le nôtre, mais celui issu de la DUP. Nous nous sommes donc appuyés sur ce choix et en avons refait la démonstration.

À notre sens, au-delà de la DUP, l'acte fondateur fut l'autorisation environnementale. Madame la rapporteure nous demande pour quelles raisons nous avions occulté certains éléments de l'annexe 12 portant sur le détail des engagements environnementaux. L'annexe 12 reprend les principes retenus et nos engagements environnementaux tels que nous les avions proposés en 2019 et c'est précisément sur la base de ces engagements environnementaux forts que je pense que nous avons été retenus.

Néanmoins, le document qui compte désormais est l'autorisation environnementale. Ce qui vaudra, au final, ce sont bien les engagements complémentaires qui seront pris dans le cadre de cette autorisation. Au-delà des principes évoqués dans l'annexe 12, les mesures qui commençaient déjà à s'esquisser ont été améliorées dans le cadre de l'autorisation environnementale, ce pour quoi elles ont été occultées dans les documents rendus publics. Outre l'annexe 12 d'ailleurs, c'est le cas des autres éléments des annexes du contrat ayant été occultés.

Pour entrer dans le vif du sujet de l'opération actuelle, nous avons reçu l'autorisation de commencer le chantier le 1er mars 2023 et aujourd'hui, le chantier bat son plein. Je serai d'ailleurs très heureux de vous accueillir sur le terrain.

À fin mars, nous avions déjà dépensé près de la moitié du budget de 450 millions d'euros, soit environ 230 millions d'euros. Nous avons effectué la moitié des terrassements et la moitié des zones sont encore en travaux. 800 personnes travaillent quotidiennement sur une quarantaine de chantiers et pour la phase active des terrassements, qui surviendra à la fin du printemps, 1 200 personnes seront mobilisées sur le chantier. La moitié des ouvrages d'art sont en cours de construction ou réalisés. Hier encore, nous réalisions une opération très importante qui est la fin du poussage du deuxième tablier du viaduc de l'Agout ; la connexion entre Castres et Toulouse se traduit symboliquement par ces deux tabliers connectés au-dessus de l'Agout.

À ce jour, le chantier avance bien en vue de la livraison de l'autoroute à la fin de l'année 2025.

À ce stade, je tenais à évoquer l'une de nos difficultés actuelles, à savoir les conditions de travail de nos agents. En effet, autour du bois de la Crémade, nous déplorons un nombre croissant de dégradations : 200 dégradations constatées et 80 plaintes déposées par Atosca à la suite de dégradations d'engins et des agressions de personnels. Le week-end dernier, un groupe électrogène a été brûlé. En début de semaine, le véhicule d'une équipe a été caillassé alors même qu'elle se trouvait à son bord. Les agents du groupement de constructeurs font leur travail correctement, dans des conditions assez difficiles, et je tenais à le signaler.

En outre, je voudrais redire tout le soin que nous avons porté à la constitution d'un dossier exemplaire du point de vue environnemental. Je suppose que vous allez essayer de me dire le contraire, mais je voudrais vous démontrer que l'état d'esprit ayant présidé au projet a été de pousser nos exigences au maximum et d'être à l'écoute du territoire en vue de trouver les meilleures solutions.

En accord avec la logique éviter-réduire-compenser (ERC), notre premier effort a porté sur l'évitement afin que notre tracé n'impacte pas des zones sensibles sur le plan environnemental et épargne au maximum les bâtiments. J'évoquerai pour l'illustrer le réajustement du tracé auquel nous avons procédé, ou le fait de passer à un système de flux libres – comme suggéré par le concédant – n'obligeant plus de s'arrêter à une barrière de péage pour prendre un ticket et à la sortie pour payer. Le système reposant sur des portiques permet effectivement de circuler à vitesse normale et sans pollution, soit une économie de quatre-vingts hectares de terres agricoles et de terres naturelles par rapport à celle prévue par la DUP. De la même manière, quarante bâtiments seront finalement à démolir dans le cadre du projet, contre les soixante envisagés par la DUP. Tout cela illustre le travail d'évitement déjà réalisé.

Nous avons également pris des mesures exigeantes en matière de compensation. La formule « un pour cinq », est peut-être une simplification de la communication. Nous avons estimé que les médias seraient moins réceptifs si nous annoncions cinq fois plus de surfaces boisées que la surface impactée. L'engagement de « un pour cinq » arbres nous a paru plus simple et sera, en outre, réellement mis en œuvre. En effet, un travail fin a été réalisé pour évaluer les impacts sur les zones réellement concernées, sur les densités d'arbres et les types d'arbres qui s'y trouvent. Ce travail a permis d'identifier les boisements à refaire, les alignements d'arbres à reconstituer, ainsi que les types et les densités d'arbres à replanter.

Nous avons également proposé, parmi les mesures compensatoires, de sanctuariser vingt-sept hectares de boisements existants qui, sans cette sanctuarisation, auraient tout à fait pu être coupés par les propriétaires. Pendant 55 ans, ces terrains ne feront l'objet d'aucune intervention ou exploitation. La dynamique forestière naturelle pourra ainsi se remettre en place de façon certaine. Cela fait effectivement partie des soixante et onze hectares de l'ensemble des mesures de reboisement, de densification et de protection d'arbres que l'on identifie par rapport aux treize hectares impactés et sachant qu'en réalité, seulement 4,9 hectares de boisement seront touchés.

Par ailleurs, selon les derniers standards en matière de construction d'autoroutes, des franchissements tous les 250 mètres sont prévus pour la petite faune et pour les habitants. Il y a encore trente ans, ces mêmes standards imposaient un ouvrage tous les trois kilomètres.

En outre, vingt-deux hectares de zones humides sont concernés par le chantier et en retour, nous allons renaturer cinquante-cinq hectares. Je voudrais tout de même revenir à certaines réalités. Sans être un spécialiste des zones humides, de ce que j'en comprends, ces vingt-deux hectares impactés équivalent à quatre hectares de zones humides à forts potentiels. Ce sont donc des zones humides, des prairies humides fonctionnant avec toutes les caractéristiques d'humidités, de milieux et d'habitats existants. De plus, dix-huit hectares (principalement des zones cultivées) présentent un potentiel de zones humides (entre 20 et 50 cm d'humidité) et à ce titre, doivent être classés comme des zones humides potentielles.

Vous faites référence dans votre questionnaire à Monsieur Jacques Thomas, dont je suis tout à fait prêt à regarder le travail ; je crois d'ailleurs qu'il a utilisé une partie de ces arguments dans le cadre d'un recours sur l'opération. Il me semble toutefois que le bureau d'études environnemental avec lequel nous travaillons vous a démontré son sérieux sur cette opération et je puis affirmer qu'il n'est aucunement contraint pour ce faire. Nous ne demandons pas aux bureaux d'études, qui ont des engagements de résultats, d'écrire ce qui nous fait plaisir. Au demeurant, le bureau en question est reconnu nationalement et internationalement pour son travail sur les zones humides et je lui accorde toute ma confiance. Son travail a aussi été reconnu dans le cadre de l'instruction de la procédure que personne n'a remise en cause. Des compléments ont effectivement été apportés et des remarques formulées, mais je n'ai pas d'inquiétude particulière sur ce point.

S'agissant des terres agricoles, nous sommes évidemment conscients qu'au-delà des compensations fortes qui ont été mises en place, le monde agricole est touché pour plus de 300 hectares de terres, que ce soit pour le tracé ou dans le cadre des besoins de compensation. C'est pourquoi il nous a paru fondamental de nouer un dialogue fin avec les chambres d'agriculture, les associations, les exploitants et les propriétaires concernés. Les protocoles très détaillés qui ont ainsi été mis en place avec les chambres d'agriculture sont désormais appliqués. Nous avons trouvé des solutions amiables avec quasiment tous les acteurs concernés. Sur les 98 exploitations agricoles présentes sur le tracé, seulement deux font l'objet d'expropriations ; et même dans ce dernier cas, nous poursuivons les discussions en vue de trouver une solution amiable. Nous avons procédé de la même manière sur les autres surfaces.

On me parle d'une pétition d'agriculteurs opposés au projet qui aurait recueilli 120 ou 150 signatures, mais cette pétition date d'il y a deux ans. Depuis, nous avons rencontré une grande partie des agriculteurs et avons trouvé des solutions. In fine, moins de 10 % des exploitants concernés ont été signataires de cette pétition. Il se trouve que le dialogue est très bon avec l'essentiel des agriculteurs, à l'exception de quelques-uns. Le maintien du dialogue est à nos yeux très important.

Je citerai ici le fonds de compensation collectif, soit une première pour une autoroute. Dans ce cadre, 2,4 millions d'euros seront affectés à des projets de compensation collective, à des projets de dynamisation collective de filières agricoles à l'échelle de ce territoire, et ce, au-delà des compensations individuelles déterminées pour chacun (en cas de rallongement du tracé par exemple). Ce fonds est en place et il s'agit maintenant de le faire fonctionner en lien avec l'État et les chambres d'agriculture.

En conclusion, notre action est guidée par le souci de l'exemplarité environnementale et tient compte des impératifs de la transition énergétique.

Pour rappel, le projet de la DUP 2018 ne tenait pas compte des aires de covoiturage, des bornes de recharge, du flux libre ou encore d'une politique favorable aux véhicules électriques. En France, vous ne trouverez aujourd'hui quasiment aucune aire de repos équipée des bornes de recharge, comme nous le proposons ici. L'A69 sera donc pionnière en la matière.

À côté de l'exemplarité du projet, nous avons aussi tenu à l'exemplarité de la méthode, à cette humilité, à cette volonté d'être à l'écoute et de continuer le dialogue. Certains disent que les mesures compensatoires ne fonctionneront pas, mais je dis l'inverse. Pourquoi ? Parce que nous les avons étudiées finement et que nous nous donnerons les moyens, en lien avec les services instructeurs de l'État et au sein des comités de suivi des mesures compensatoires, de vérifier qu'elles fonctionnent comme prévu. Si tel n'était pas le cas, nous adapterons les plans de gestion et les mesures de sorte que les compensations soient réellement dispensées en vue d'obtenir le résultat escompté.

Nous aurons donc, si nécessaire, à faire évoluer les mesures compensatoires, à commencer par leur conception. Si, à l'expérience, nous devions nous rendre compte que tel n'est pas le cas, nous les adapterons. Quoi qu'il en soit, nous serons tout de même présents pendant 55 ans pour vérifier qu'elles fonctionnent.

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