Nous souhaitons aborder dans le cadre de ce projet de loi la question des organisations agricoles. La force du monde agricole pendant l'épopée des années 1960 résidait dans les collectifs, qu'il s'agisse de coopératives visant la commercialisation, de collectifs d'étude et d'expérimentation – je pense aux centres d'études agricoles techniques (Ceta) et aux groupements de vulgarisation agricole (GVA) – ou encore de coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma), qui ont permis d'introduire collectivement la mécanisation de la pratique agricole. Tous sont désormais en panne – en panne de sens, d'instruments juridiques, de définition, de soutien budgétaire.
Vous vous apprêtez à rouvrir un débat relatif à la fiscalité. Continuerons-nous à appliquer une logique de capitalisation et à accompagner les plus privilégiés en effaçant l'ardoise fiscale ? Utiliserons-nous au contraire la fiscalité, comme nos aînés l'ont fait dans les années 1960 à 1980, pour encourager des systèmes vertueux qui favorisent l'égalité des chances et qui promeuvent une économie agricole fondée sur la gestion en amont autant que sur la performance en aval ?
Depuis plusieurs années, nous travaillons avec les Cuma, les centres d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam) et les groupements de développement agricole (GDA) à une nouvelle définition de l'agriculture de groupe. Il en est besoin, car depuis les années 1960, aucune disposition du code rural la concernant n'a été actualisée. À la suite d'un dialogue constructif et du dépôt d'une proposition de loi cosignée par de très nombreux parlementaires, nous étions parvenus à une définition. Nous l'avons fait adopter dans le cadre de la loi Egalim du 30 octobre 2018, lorsque Stéphane Travert était ministre de l'agriculture ; elle a été supprimée par le Conseil constitutionnel.
Il ne coûterait rien de l'ajouter à l'article 8, et cela nous permettrait de disposer d'une définition juridique sur laquelle pourront s'appuyer, le cas échéant, des politiques fiscales et budgétaires. Cette définition, issue de la coconstruction, est très simple. Elle est reprise dans les amendements n° 2302 et 2303 , formulés ainsi : « L'État se donne comme objectif de définir l'agriculture de groupe, constituée de collectifs composés d'une majorité d'agriculteurs, lesquels ont pour vocation la mise en commun de façon continue et structurée de connaissances ainsi que de ressources humaines et matérielles. Cette définition permet de renforcer » – ou « d'orienter » – « les politiques budgétaires fiscales et réglementaires qui contribuent à développer cette forme d'organisation. » Je conclurai en soulignant que l'agriculture de groupe est vertueuse sur les plans économique, social et psychologique : or il faudra un mental solide pour affronter les défis de l'agriculture de demain.