Soyons parfaitement honnêtes, lorsque nous avons commencé à examiner ce texte en séance, un certain nombre d'entre nous n'étaient pas au courant de cette situation ridicule : à condition d'être marié sous le régime de la communauté des biens, un homme qui tue sa femme peut ensuite en hériter. Tout le monde a été choqué de découvrir que rien dans notre droit n'empêchait cette situation aberrante.
Je vous remercie, madame la rapporteure, ainsi que M. Ott, qui n'a pu défendre ce texte pour des raisons médicales. Il fallait corriger cette aberration juridique ; nous voterons en faveur de ce texte.
Néanmoins, nous abordons la question des violences conjugales par le petit bout de la lorgnette. En 2023, 134 féminicides ont été commis, parmi lesquels une centaine étaient des féminicides conjugaux. L'objectif de la représentation nationale doit être d'empêcher que ce type de meurtre soit commis. Pour lutter contre les féminicides, les associations féministes demandent 3 milliards d'euros à l'État. Il y a quelques années, elles demandaient 1 milliard d'euros ; cependant, comme rien n'a été fait – du moins les actions menées sont-elles insuffisantes –, elles réclament désormais 3 milliards pour mener des actions de prévention. Cette somme correspond peu ou prou au coût des violences conjugales pour la société – qui inclut notamment le coût de la prise en charge médicale des femmes victimes –, estimé à 3,6 milliards d'euros.
Étant donné que le texte s'intitule « proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille », j'en profite pour parler de justice patrimoniale au sein de la société – l'occasion est trop belle. Dans notre pays, 50 % des personnes les plus riches détiennent 92 % du patrimoine national, alors que 50 % des personnes les plus pauvres en détiennent seulement 8 %.
La question du patrimoine porte atteinte au principe d'égalité qui, dans la République française, s'impose en droit et dans le cadre de notre capacité à légiférer. Une personne est égale à une voix. Le jour du vote, dans l'isoloir, le vote de la personne la plus pauvre de France vaut celui de M. Bernard Arnault.
La question du patrimoine soulève aussi celle de l'égalité sociale ; si nous voulons envisager une justice patrimoniale réelle, nous devons y répondre. Le patrimoine des 1 % les plus riches est supérieur à 2,24 millions d'euros, tandis que celui des 10 % les plus pauvres est inférieur à 3 000 euros. On constate l'immense fossé qui existe entre les plus riches et les plus pauvres. Cette différence se traduit, par exemple, en matière d'accès au logement, puisque 50 % des logements mis en location dans le parc privé sont détenus par 3,5 % des propriétaires.
Voilà les questions de justice patrimoniale auxquelles nous devrons répondre un jour si nous voulons que la promesse républicaine prenne en considération la question du capital.
Pour atteindre cet objectif, nous proposons une solution qui risque de vous faire bondir : le plafonnement de l'héritage à 12 millions d'euros – qui est une belle somme pour commencer dans la vie. Il ne concernerait que 0,1 % de la population française. Corriger cette injustice patrimoniale, pour reprendre les termes de la proposition de loi, serait l'un des objectifs d'une République achevée, la République sociale.