C'est parce que la justice n'est pas qu'une notion abstraite, mais un besoin qui ne peut attendre demain, que je suis heureuse, au nom du groupe Renaissance, de vous présenter le texte, issu des conclusions de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, déposée par mon collègue Hubert Ott.
Alors que tout est prévu, en droit de la famille, en droit des successions, en droit des libéralités, en droit des assurances ou encore en droit de la sécurité sociale, pour sanctionner le comportement infamant d'un époux, il n'existe pas de dispositif analogue en matière de régimes matrimoniaux.
À ce jour, un époux qui serait reconnu coupable de la mort de son conjoint peut valablement bénéficier, en vertu des dispositions de son contrat de mariage, d'un avantage matrimonial. Les époux ayant opté pour le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au survivant bénéficient d'un avantage matrimonial qui leur permet de vider la succession de la personne assassinée et de léser ses héritiers. Il s'agit d'une immense injustice et d'un angle mort indécent, aussi majeur qu'insupportable, de la législation civile actuelle.
Par ailleurs, les époux et les partenaires d'un pacte civil de solidarité forment un foyer fiscal et sont soumis au principe de solidarité fiscale. Pourtant, en cas de dissolution du pacs ou du régime matrimonial, cette solidarité peut léser les ex-conjoints et les héritiers. Cette injustice est bien souvent genrée, puisque 80 % des dettes fiscales sont contractées par les femmes, alors même que la séparation entraîne déjà, pour une grande majorité d'entre elles, une perte sensible de revenus.
La proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, dont nous examinons le texte issu de la CMP, tend à réparer ces deux injustices.
L'article 1er , qui a fait l'objet d'un compromis entre les deux chambres, a pour vocation d'empêcher l'époux coupable du meurtre ou de l'assassinat de son conjoint de bénéficier des avantages pouvant découler de son régime matrimonial. Il substitue la référence à l'ingratitude par une référence aux cas justifiant une indignité successorale, notion plus sécurisante juridiquement.
Le dispositif adopté permet également de distinguer, d'une part, les cas dans lesquels la déchéance matrimoniale s'applique de plein droit, si un époux est reconnu coupable d'avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son conjoint, d'autre part, ceux où la déchéance sera laissée à l'appréciation du juge.
L'article 2 tend à corriger la deuxième injustice en permettant aux ex-époux de se voir accorder plus facilement par l'administration fiscale une décharge de l'obligation de paiement de la dette fiscale. Même s'il existe depuis 2022 une atténuation au principe de solidarité grâce à la diminution de la période d'appréciation du patrimoine net de l'ex-conjoint, la décharge facilitée permettra de protéger les ex-époux – particulièrement les femmes, qui doivent souvent faire face seules au paiement des dettes fiscales du couple alors même qu'elles disposent de revenus modestes et sont en situation de détresse.
En définitive, la proposition de loi contribue à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui demeure une priorité pour notre majorité. Ce texte est utile et nécessaire en ce qu'il corrige un vide juridique et cherche à résoudre, autant que faire se peut, les difficultés auxquelles risquent d'être confrontées les personnes en situation de précarité après une séparation. En bonne intelligence avec nos collègues du Sénat, nous avons su trouver les points d'équilibre, notamment grâce à l'excellent travail de Mme la rapporteure, Perrine Goulet, que je salue.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera en faveur de ce texte de justice et d'égalité.