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Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2024 à 9h00
Assurer une justice patrimoniale au sein de la famille — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La proposition de loi que nous examinons ce matin a pour objet de régler le sort des avantages matrimoniaux en cas de meurtre ou de tentative de meurtre d'un époux par l'autre, ou de violences conjugales. À ce titre, elle prévoit de priver automatiquement l'époux reconnu coupable de meurtre sur conjoint du bénéfice des avantages matrimoniaux insérés dans le contrat de mariage. Elle vise aussi à mieux encadrer les conséquences d'une séparation au sein d'un couple en cas de violences conjugales.

Je souhaite insister sur le cœur de cette proposition, me réjouir de son enrichissement et apporter le soutien des députés du groupe Socialistes et apparentés à ce texte d'initiative parlementaire. Sans conteste, sa principale motivation tient à la modification qu'il apporte aux avantages matrimoniaux. Ces profits, résultants de la convention matrimoniale, ne sont pas considérés comme des donations en tant que telles ; puisqu'ils ne résultent pas des règles régissant les donations, ils ne peuvent être révoqués pour ingratitude. En outre, prévus par la convention matrimoniale et non par la loi, ils sont perçus par le conjoint en sa qualité d'époux et non d'héritier. L'indignité successorale ne s'appliquant qu'aux héritiers et portant sur des droits successoraux, l'auteur de violences à l'encontre de son conjoint ne pouvait être déchu des droits qu'il tirait du régime matrimonial. La doctrine et les praticiens du droit dénonçaient cette injustice. La déchéance instituée par nos assemblées constitue une pénalité civile qui viendra s'ajouter à la sanction pénale ; ce n'est que justice !

À cette dimension de justice civile a été ajoutée une dimension de justice fiscale. Le Sénat et notre assemblée se sont entendus pour adopter un dispositif devant faciliter l'obtention de la décharge de solidarité fiscale pour les victimes de leurs ex-conjoints endettés. Ainsi, des ex-épouses – ou ex-partenaires de pacs – ont appris un jour que leur ex-mari – ou ex-partenaire de pacs – avait contracté des dettes auprès de l'administration fiscale pendant leur vie conjointe, dettes dont elles restaient redevables. J'emploie le terme d'ex-épouses parce que les victimes sont des femmes dans la très grande majorité des cas.

Cette situation inique persistait, même en cas de pacs ou de mariage sous le régime de la séparation des biens, parce que l'impôt est dû solidairement en cas d'imposition commune. La commission mixte paritaire a été conclusive ; elle a adopté le mécanisme visant à reconnaître que les victimes de violences conjugales ne sont pas responsables de la dette fiscale de leur ex-conjoint, ce qui constitue un pas en avant.

Le critère retenu – une distorsion marquée entre le montant de la dette et la situation financière et patrimoniale nette du demandeur de l'exonération – sera interprété par le ministère, ce qui suppose une lecture plus neutre de la part de l'administration. On peut espérer que les contribuables qui pourront apporter la preuve qu'ils sont étrangers aux dettes contractées par leur ex-conjoint pourront bénéficier d'une exonération de leur paiement. Je précise que l'administration conservera le contrôle de la procédure d'exonération.

Les dispositions de ce texte amélioreront la situation et contribueront à l'avènement d'une égalité réelle. En matière de fiscalité comme en d'autres, le législateur peut corriger les injustices légales, mais l'application des dispositions de la loi dépend de leur interprétation conforme par l'administration. Or les principes posés par la loi font trop souvent l'objet d'une interprétation restrictive ; les textes réglementaires, les circulaires et les directives, bien que conformes aux dispositions législatives, limitent parfois moins la générosité du texte que la recherche de l'intérêt général, à tel point que législateur doit remettre sur le métier son ouvrage pour en garantir l'application souhaitée.

S'agissant du présent texte, nous ne pouvons qu'espérer qu'un tel retour ne sera pas nécessaire.

La proposition de loi de notre collègue Hubert Ott et du groupe MODEM a été améliorée au long de sa discussion par les deux assemblées, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Le groupe Socialistes et apparentés a apporté et apporte encore aujourd'hui son soutien plein et entier au texte tel qu'il a été amendé et enrichi et, comme les autres groupes, il sera attentif à son application conforme au souhait unanimement exprimé par nos deux assemblées.

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