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Intervention de Perrine Goulet

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2024 à 9h00
Assurer une justice patrimoniale au sein de la famille — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPerrine Goulet, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Le 18 janvier dernier, nous examinions cette proposition de loi dans l'hémicycle ; quatre mois plus tard, nous sommes réunis pour voter le texte adopté par la commission mixte paritaire (CMP) la semaine dernière. Je souhaite, en préambule, saluer l'engagement de son auteur, mon collègue Hubert Ott. Sans son travail, nous n'aurions pas mis fin aux incohérences juridiques actuelles. Je me félicite également du travail constructif mené avec la rapporteure du Sénat, Isabelle Florennes, et je remercie les services de l'Assemblée pour leur soutien, en particulier Raphaële Jegou, administratrice de la commission des lois. Enfin, je salue la volonté d'avancer du Gouvernement, qui a déclenché la procédure accélérée sur ce texte et nous permet ainsi de mettre rapidement fin à une injustice.

La proposition de loi comporte deux volets en faveur d'une meilleure justice fiscale et patrimoniale. L'article 1er comble une faille juridique : aujourd'hui, lorsqu'un époux tue son époux, il demeure bénéficiaire des avantages issus de sa convention matrimoniale. Pour y remédier, cet article crée un dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux en cas de condamnation pour meurtre ou violences sur conjoint. Le texte initial se référait au mécanisme d'ingratitude existant pour les libéralités, mais la commission des lois de l'Assemblée a fait le choix de créer un dispositif autonome, plus proche de celui qui existe pour déchoir un époux meurtrier de ses droits successoraux. Lorsqu'elle est facultative, la déchéance pourra être demandée par le ministère public, par les héritiers ou par la victime elle-même. Pour tenir compte de l'éventuel décalage entre la dissolution de la communauté et la condamnation de l'époux, ce dernier devra restituer les revenus dont il a eu indûment la jouissance.

Deux dispositions nouvelles viennent compléter ce mécanisme. Le futur article 1399-5 du code civil prévoit qu'un époux déchu sera privé du bénéfice des biens propres de son époux décédé lorsque ceux-ci avaient été apportés à la communauté. Il paraissait injuste et incohérent avec la proposition de loi que les biens propres d'une femme assassinée par son époux soient récupérés par lui : cette disposition permet d'y remédier.

L'article 1er bis A prévoit la possibilité de réaliser un inventaire lors du décès de l'un des époux. Cette faculté doit pouvoir être actionnée même en cas de clause d'attribution intégrale au dernier vivant, laquelle n'ouvre pas la succession du conjoint décédé, pour qu'un état des lieux du patrimoine du conjoint décédé soit établi. Le Sénat a renforcé le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux tout en conservant la structure proposée par l'Assemblée. À l'initiative de sa rapporteure, il a supprimé la faculté de pardon prévue dans le texte pour mieux prendre en compte les cas d'emprise.

Outre le dispositif de déchéance des avantages matrimoniaux, nous avons modifié l'article 265 du code civil relatif au sort des avantages matrimoniaux en cas de divorce, donnant ainsi suite à une recommandation de la Cour de cassation. Tel est le sens de l'article 1er bis du texte. Comme Isabelle Florennes l'a fait hier au Sénat, je précise que l'irrévocabilité ne s'applique pas à la clause matrimoniale, mais à l'avantage que celle-ci procure.

J'en viens maintenant à l'article 2, qui, dans sa version initiale, modifiait le dispositif de décharge de responsabilité solidaire pour exonérer un ex-conjoint d'une partie des dettes fiscales dues par le couple au titre d'une imposition commune passée. Le dispositif n'était pas totalement satisfaisant. En lien avec le ministère chargé des comptes publics, nous l'avons complètement modifié pour créer un dispositif de remise gracieuse : lorsqu'un ex-conjoint pourra prouver qu'il est extérieur à la fraude à l'origine d'une dette fiscale, il pourra être considéré comme tiers et déchargé de la totalité de la dette. Les sénateurs ont complété le dispositif de remise gracieuse en prévoyant une application à l'ensemble des dossiers en cours n'ayant pas fait l'objet d'une décision définitive.

Sur ce point, je me félicite des engagements pris hier au Sénat par le ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, notamment celui de faire remonter les dossiers au niveau central afin de garantir un traitement harmonisé et la prise en compte par l'administration de ces nouvelles orientations. Il nous reviendra, en tant que parlementaires, de veiller à la mise en œuvre du nouveau dispositif, à son appropriation par les personnes concernées et à la publication, avant le mois d'octobre, de la nouvelle doctrine fiscale.

La commission mixte paritaire a également retenu, dans le texte final, deux articles ajoutés au Sénat qui modifient le dispositif de décharge de responsabilité solidaire pour prévoir la restitution des sommes prélevées lorsqu'une décharge a été accordée, ainsi que la clarification du calcul des intérêts et des pénalités.

Je me félicite que la proposition de loi achève déjà son examen parlementaire et je souhaite qu'elle soit adoptée à une large majorité par notre assemblée : ce serait un signal fort envoyé à nos concitoyens et surtout à nos concitoyennes. Il s'agit d'un beau texte, élaboré en un temps record par les deux chambres, grâce au Gouvernement. Nous pouvons en être fiers !

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