Le Grand Orient de France a toujours été aux avant-postes du combat pour une mort digne et note qu'une immense majorité de nos concitoyens sont favorables à cette évolution. Le sujet est tabou parce que l'angoisse de mort constitue le terreau sur lequel s'est édifié le pouvoir des églises sur les hommes, mais existe-t-il une seule bonne raison non religieuse de refuser à quelqu'un le droit d'accéder à une fin de vie digne et dignement choisie ?
Jusqu'à présent, la liberté, y compris avec la loi Claeys-Leonetti, était incomplète, car la sédation profonde ne peut intervenir qu'avec l'imminence de la mort. L'égalité n'est pas respectée – puisque seuls les plus argentés peuvent se rendre à l'étranger pour choisir le moment de leur mort –, pas plus que la fraternité face à la souffrance physique et morale. Nous attendons donc cette loi et considérons qu'il convient de dépénaliser l'aide active à mourir plutôt que d'établir un droit opposable qui ne permettrait pas de respecter la liberté de conscience des soignants qui ne souhaitent pas s'associer au dispositif.
Plusieurs éléments non pris en compte dans ce projet de loi émancipateur devraient aussi faire l'objet de débats, dont la question de l'ouverture, certes délicate, du dispositif aux mineurs, d'autant plus que les notions de minorité et majorité fluctuent dans le temps. Il est également nécessaire de développer et de renforcer les directives anticipées et nous sommes par ailleurs favorables au renforcement des systèmes de soins palliatifs, ce qui implique d'y consacrer un budget d'investissement et de le déployer dans tous les départements de France, et notamment dans les territoires d'outre-mer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En conclusion, dans le cadre d'un respect de la dignité de chacune et chacun, et s'il est conscient et capable de donner son avis, le meilleur service que la République peut rendre au malade est de répondre favorablement à sa demande de bénéficier d'une aide active à mourir. L'injection létale ne sera jamais la seule façon d'aider les patients à mourir ni le moyen que tous les patients auront à la fois le désir et la force de demander. Laissons aussi aux médecins qui le voudront bien la liberté, la responsabilité et le privilège de faire au mieux ce qu'ils font déjà, c'est-à-dire accompagner leurs patients dans une mort qui soit véritablement la leur, tout en modulant, si tel est leur souhait, les modalités et la temporalité cruelle.
La bioéthique de la fin de vie ne consiste pas seulement à aider médicalement les gens à mourir, mais surtout à les accompagner sereinement vers cette échéance que chacun d'entre nous devra affronter un jour.