Je précise en préambule que nous avons produit un Livre blanc au sujet de ce projet de loi, qui demeure à votre disposition. Les conditions dans lesquelles intervient la mort ont changé : sept personnes sur dix meurent à l'hôpital.
Nous sommes donc dans une dialectique entre deux principes opposés, d'une part l'illusion d'échapper au caractère inéluctable de la mort en la décidant seul, et d'autre part la dignité d'une société humaine, qui consiste à accompagner la vie jusqu'à la mort. Nous estimons que le droit de disposer de soins palliatifs est le préalable à l'affirmation de la liberté de disposer de sa vie. Bien-être, bien vivre et bien mourir nous paraissent indissociables à l'idée de fraternité. Ainsi, la reconnaissance de la liberté de choisir sa mort n'a pas pour corollaire la reconnaissance d'un droit à mourir.
Notre première recommandation est la suivante : des exigences éthiques incontournables doivent accompagner les éventuelles évolutions vers la mise en œuvre d'une aide active à mourir. Le droit individuel à vouloir bien mourir doit être compatible avec les devoirs collectifs d'une société qui doit réguler les excès et les dérives en tous genres. L'exemple des Pays-Bas nous interpelle, quand ce droit à mourir devient un devoir impératif pour les soignants et se banalise progressivement pour s'imposer comme une formalité.
Il ne faudrait pas qu'une nouvelle loi constitue un message négatif ou d'abandon à leur seule responsabilité pour les personnes gravement malades, handicapées ou très âgées. L'établissement de garde-fous, comme celui d'un « comité de revoyure », nous paraît important. Nous ne souhaitons pas qu'une nouvelle loi vienne simplement s'ajouter à un corpus déjà existant et mal appliqué. La loi actuelle est insuffisamment mise en œuvre, qu'il s'agisse de la généralisation des soins palliatifs ou celle des directives anticipées. Ainsi, 83 % des soignants connaissent mal les dispositions de la loi actuelle et 10 % seulement des personnes rédigent leurs directives anticipées. Les limites de l'actuelle législation, comme l'absence de règles de dépénalisation de l'aide active à mourir, l'absence d'une réelle information de la population et d'une formation spécifique du personnel soignant et des familles, doivent être résolues.
Il nous paraît essentiel d'envisager également quelques sujets tels que la réforme nécessaire du code des assurances. Celui-ci doit comporter une définition la plus claire possible de la notion de fin de vie ou une définition de la notion d'espoir d'amélioration, qui pourrait être remplacée par la notion de « signes objectifs d'amélioration ».
En conclusion, la décision doit reposer sur la collégialité des médecins et nous vous demandons de ne pas sous-estimer l'importance de la clause de conscience pour les soignants. Le projet législatif ne consiste peut-être pas simplement à ouvrir des droits, mais aussi à fixer des limites. À ce titre, la loi devrait poser en préambule que le renforcement de la mise en œuvre des soins palliatifs représente une action prioritaire.