Ce projet de loi est en apparence d'essence idéaliste et envisage la vie comme un matériau à gérer, dans une vision prométhéenne. Mais il se trouve simultanément confronté au principe de réalité. De fait, le projet de loi n'est pas un projet idéal, mais un texte de résignation.
Les conditions d'accès, de procédure, de clause de conscience, de contrôle et d'évaluation sont censées nous rassurer. La rigueur de l'encadrement, qui est aujourd'hui l'argument principal du texte, est supposée proportionnée à la gravité de la transgression, mais elle est en réalité purement incantatoire. Il n'y a plus de principe à partir du moment où on accepte une transgression encadrée : le caractère pervers de la transgression ne réside pas forcément dans l'excès, mais dans l'essence même de l'acte de tuer, même si celui-ci est censé être limité. Je rappelle que chaque loi de bioéthique n'a fait que rendre légal ce qui était illégal précédemment. Enfin, on ne contrôle pas des limites qui ne sont pas sanctionnées et qui ont vocation à disparaître.
Ce projet de loi est un texte de résignation, parce qu'il ne dit pas tout et qu'il ne peut pas tout dire. Il s'est résigné au mensonge vis-à-vis des familles, des médecins, des soignants, des pharmaciens, des directeurs d'établissement et des élus locaux. Le mensonge atteint son paroxysme dans le choix du terme « aide à mourir », qui ne comporte nulle mention de l'euthanasie ou du suicide. Nous sommes très inquiets : loin de les unir, ce texte divisera profondément les Français.