Opposés à toute forme de suicide assisté et d'euthanasie, nous sommes très inquiets de ce projet de loi et des éléments de flou qu'il comporte.
Premièrement, la formule de l'« aide à mourir » recèle une euphémisation dissimulatrice de la réalité. Deuxièmement, les critères d'éligibilité augurent une forme de boîte de Pandore, la notion de moyen terme et de souffrance psychologique insupportable reposant sur une subjectivité trop importante. Troisièmement, nous percevons la promesse de soins palliatifs accessibles à tous comme un alibi. Quatrièmement, le projet aboutira in fine à faire sauter le verrou de l'interdit de tuer, qui forge la déontologie médicale depuis le serment d'Hippocrate.
Ensuite, notre association s'attache particulièrement à la prévention du suicide, que cette loi risque de ruiner en désignant comme éligibles à certaines formes de suicide des catégories de personnes. On laisse croire que le suicide est la solution, alors qu'il existe heureusement bien d'autres solutions d'accompagnement. Nous sommes inquiets, car l'offre de suicide assisté crée largement la demande.
Contrairement à ce que nous entendons dire, le projet est contraire à la liberté, comme à la fraternité. La possibilité offerte affectera les plus fragiles en les conduisant à se demander s'ils ne sont pas de trop. Quel est le sens d'une liberté qui s'exerce sous une double pression interne – celle d'une souffrance physique, psychique ou morale mal accompagnée – et externe – le sentiment d'inutilité et de poids à la charge des autres. Compte tenu de l'état actuel de notre système de santé, le grand paradoxe de l'autonomie affichée par cette réforme réside dans le risque que cette aide à mourir s'impose par défaut à d'autres modes d'accompagnement, de traitement et de prise en charge adaptée.
De manière plus complexe, cette fin de vie provoquée prive la personne d'un temps de vie dont nous ne savons pas ce qu'il donnerait. Il y a une forme de naïveté de penser que cette fraternité peut s'exprimer par la proposition d'un suicide assisté ou d'une euthanasie. Nous craignons les conséquences à long terme de ce raisonnement et les risques d'effets domino qu'il comporte. Nous ne sommes pas des îles d'autodétermination, notre culture nous influence. Cette dévalorisation sous-jacente, ce mépris que les bien-portants peuvent porter sur ceux qui sont devenus fragiles risquent de pousser les faibles – que nous deviendrons peut-être les uns et les autres un jour – à une auto-exclusion.