Je me suis consacrée vingt-cinq ans aux soins palliatifs. J'ai connu l'époque où ils n'existaient pas, où les patients étaient laissés en souffrance et où je faisais une injection létale à un patient, qui n'en savait rien, dont la maladie arrivait en toute fin de son évolution. Cela me laissait dans un profond désarroi. On m'a confié un enseignement d'éthique à la faculté de la Sorbonne dont les questions se posent encore vingt-huit ans plus tard. Nous sommes des soignants, mais également des humains et des citoyens. La façon dont se rencontrent ces positions doit être considérée. Nous en avons fait un projet de recherche soumis à la Convention citoyenne, prouvant que des questions de santé complexes pouvaient être comprises et débattues dans le respect de toutes les positions.
Sur ce projet de loi, ma position est différente de celle de ma collègue. Un grand nombre de soignants sont venus aux soins palliatifs dans une position d'humilité. Pour autant, je ne considère pas que cette loi consacrerait la toute-puissance médicale, mais plutôt reconnaître les limites du soulagement de la souffrance en dépit de toutes les ressources mobilisées. S'il s'agit de consacrer l'importance du soin palliatif pour soulager, il est nécessaire, au bout d'un certain temps, si la demande persiste, d'aider à mourir. Je remercie le Gouvernement d'avoir abandonné les termes d'euthanasie et de suicide assisté. L'expression « aide à mourir » se situe dans cette humilité et cet accompagnement.
Dans ma carrière de médecin en soins palliatifs, j'ai accueilli peu de demandes d'aide à mourir. La loi votée en 2016, qui prévoit la sédation profonde et continue jusqu'au décès, est mal appliquée par des professionnels qui ont longtemps considéré cet acte comme un équivalent d'euthanasie. On ne soigne pas avec des lois, qui ne vivent que dans la relation de soins. Cette sédation profonde et continue a peu vécu car peu de médecins l'ont évoquée avec leurs patients en fin de vie et en situation de souffrance réfractaire. L'essentiel se situe dans les soins d'accompagnement, qui ne concernent pas uniquement les spécialistes en soins palliatifs, mais les soignants dans leur ensemble qui, du fait de la chronicisation des maladies, effectuent quasiment tous du soin palliatif et du soin d'accompagnement.