Depuis le 1er juin 2023, l'instance de réflexion stratégique a travaillé de façon soutenue pour élaborer des propositions définissant une stratégie décennale pour les soins palliatifs, la prise en charge de la douleur et l'accompagnement de la fin de vie. Le Haut Conseil de la santé publique avait en effet recommandé au Gouvernement d'élaborer des stratégies de long terme afin d'impulser des changements profonds. Le processus d'élaboration de ce projet de loi et de la stratégie décennale est inédit dans l'histoire des politiques publiques en matière de santé car il a vu différentes structures collaborer pendant un temps limité.
La France est le troisième pays derrière les États-Unis et l'Allemagne en termes de dépenses de santé, à hauteur de 12 % de son produit intérieur brut. Nous nous inscrivons, en outre, dans un contexte international fort avec la Déclaration d'Astana, ratifiée par tous les États membres de l'Organisation des Nations unies, qui rappelle que tous les citoyens d'un pays doivent pouvoir accéder aux soins palliatifs. De nombreux États réfléchissent à une évolution de leur système de santé et, en particulier, des soins palliatifs. Les pays développés ayant achevé leurs transitions démographiques et épidémiologiques, les maladies chroniques ont désormais remplacé les maladies aiguës, conduisant les systèmes de santé à une « transition systémique » d'adaptation à ces évolutions. Certains, tels que l'Angleterre ou l'Australie, ont élaboré des plans similaires à la France dans le champ des soins palliatifs. L'Organisation mondiale de la Santé a proposé dix-huit indicateurs pour évaluer la façon dont se structurent des soins palliatifs, que nous avons utilisés pour évaluer la situation en France. Selon le consensus international, seule une minorité des patients, soit 10 %, nécessite une prise en charge complexe répétée nécessitant des unités spécialisées. La France recense environ 620 000 décès par an, dont plus de 75 % liés à des maladies chroniques. Près de 500 000 personnes sont donc en phase terminale de leur maladie chronique et susceptibles de recevoir des soins palliatifs, dont 10 % des soins spécialisés dans des unités spécialisées.
En France, un glissement sémantique du terme « soins palliatifs » est observé, à l'inverse de l'étranger où l'on différencie généralement les soins palliatifs proprement dits et les soins de fin de vie (end of life care). Le taux de décès dans nos unités de soins palliatifs est d'ailleurs de 80 %, et implique donc des soins de fin de vie. En étudiant les soins palliatifs, on en observe essentiellement la partie hospitalière, qui représente pourtant une minorité. J'ai constaté une dévalorisation, à la fois hospitalière et universitaire, avec des unités souvent situées dans des pavillons à l'écart au sein des hôpitaux. À la lumière de ces éléments, plusieurs conclusions se sont imposées, aboutissant à des préconisations. La première est la réorganisation des soins palliatifs, avec le renforcement par les soins primaires conformément aux orientations de l'Organisation mondiale de la Santé. La deuxième concerne la réappropriation du décès et de la fin de vie par la société. Nous recommandons, enfin, une spécialisation de la médecine palliative et son développement comme discipline universitaire.