Je comprends l'extrême difficulté posée par la définition du moyen terme et l'établissement d'un pronostic. Néanmoins, cette notion de moyen terme présente l'intérêt de circonscrire l'accessibilité à l'aide à mourir à une situation où la personne va mourir de sa maladie dans un délai raisonnablement prévisible. Dès lors, administrer un produit létal ne revient pas à provoquer la mort, mais seulement à hâter la survenue du décès.
Dans mon propos liminaire, je n'ai pas voulu, bien évidemment, disqualifier le sentiment d'indignité. Il arrive qu'une personne gravement malade et diminuée ait le sentiment de perdre son humanité ou sa dignité. Mais elle n'en reste pas moins digne et humaine aux yeux des soignants qui prennent soin d'elle, et aux yeux de son entourage. Le caractère inaliénable de la dignité est un immense apport de notre culture.
La sédation profonde et continue porte une ambiguïté, incarnée par l'expression « laisser mourir », par opposition à « faire mourir ». Elle n'a pas pour effet direct ou intentionnel de hâter le décès, qui va survenir à court terme du fait de la maladie.
Je pense que la question de l'évaluation de la souffrance porte surtout sur la reconnaissance de la souffrance, la capacité à l'entendre et à y apporter une réponse dans la mesure de nos moyens. Il ne s'agit donc pas tant d'évaluer la souffrance, puisqu'il revient à la seule personne qui l'éprouve de considérer si elle est, ou non, insupportable.
La question des mineurs est abyssale. Il m'apparaît qu'elle porte, non pas sur la légitimité de la demande d'un mineur, ou sur la maturation de son discernement, mais sur la réponse qui lui est apportée, et surtout sur l'identité de celui qui va assumer la responsabilité d'y répondre.
Le risque d'abus de faiblesse me paraît survenir plutôt au moment de l'examen de la demande et de son caractère libre et éclairé, qu'au moment de l'administration du produit létal. Le fait d'associer un parent, un proche ou un conjoint à l'administration de la substance létale m'inquiète davantage.