Les résultats de la France en matière de directives anticipées ne sont ni meilleurs ni pires que ceux de ses voisins. Une manière de les améliorer pourrait consister à ouvrir des consultations de fin de vie, où les gens puissent venir poser des questions relatives à la fin de vie et à leur mort. Elles permettraient de connaître l'état actuel du droit, les conditions de la mort, ou les effets de sa mort sur ses proches. Je signale qu'une initiative, appelée « les cafés mortels », rencontre un certain succès, et permet de débattre de la mort sous tous ses aspects.
Mon propos, évidemment, ne consiste pas du tout à proposer un droit universel à l'accès au suicide assisté et à l'euthanasie. Au Canada, où une loi d'aide active à mourir a été adoptée en 2016, des patients en situation de très lourd handicap ou atteints par une maladie neurologique évoluée et dégénérative, et qui présentaient des souffrances insupportables attestées, ont immédiatement contesté le caractère inégalitaire de cette loi. La Cour suprême du Québec, puis celle du Canada, leur ont donné raison en élargissant les conditions d'accès à l'aide à mourir et en supprimant les termes de « maladie évolutive à pronostic vital engagé à court et moyen terme », qui étaient les mêmes que ceux figurant dans votre projet de loi. La même chose s'est produite en Belgique et aux Pays-Bas, et il me semble certain qu'elle se produira en France si la loi reste en l'état, parce qu'elle génère de fortes inégalités entre les citoyens. Je n'ai pas voulu dire autre chose.
Faire état de sa souffrance psychologique ou physique insupportable et inapaisée est extrêmement difficile. Les patients sont tenus de convaincre leurs proches et les soignants qui font tout leur possible pour les aider, puis de convaincre le médecin chargé de l'évaluation. Cela représente une forme de douloureuse transgression. C'est pourquoi je pense qu'il convient de se donner les moyens d'être bienveillant et accueillant face à l'expression de la souffrance, pour rassurer la personne en lui disant que son cas entre dans le périmètre de la loi. Ensuite, si la procédure collégiale vient en appui du médecin, elle ne saurait être décisionnaire à sa place. Une procédure collégiale aboutit toujours au plus petit dénominateur commun, parce qu'il se trouvera toujours un de ses membres qui doutera. Cette procédure collégiale doit par conséquent éclairer la décision du médecin, et non se substituer à lui.