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Intervention de Fabrice Gzil

Réunion du mardi 23 avril 2024 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Fabrice Gzil, professeur associé de philosophie et d'éthique (Université Paris-Saclay), co-directeur de l'Espace éthique Île-de-France :

Je reviens brièvement sur la question des directives anticipées. Au centre du projet de loi se trouve la question de la douleur et de la souffrance. Il me semble très délicat de faire évaluer par un tiers la souffrance d'autrui et son caractère insupportable. Je rappelle que certaines personnes atteintes de troubles neurocognitifs très avancés se portent bien et ne manifestent pas de souffrance ou de détresse particulière. Dans ces cas, la mise en œuvre d'une directive anticipée sans ce critère de la souffrance me paraît en rupture avec les conditions prévues par la loi.

Il me semble que la commission de contrôle et d'évaluation devrait avoir pour tâche de constituer une documentation très précise de ce qui a été pratiqué, afin de s'assurer de l'absence de dérives.

Je suis, pour ma part, attaché à la distinction entre prescrire et administrer. La proposition d'une auto-administration par la personne qui le souhaite et la possibilité d'une administration par un médecin exclusivement lorsque la personne ne peut accomplir elle-même cet acte pour des raisons physiques me semblent assez cohérentes avec une forme de nuance et d'attention à la variété des situations.

Il m'apparaît que l'évaluation du caractère libre et éclairé du consentement devrait porter davantage sur le discernement que sur des motifs psychologiques sous-jacents. En effet, comprendre que l'on souffre d'une maladie grave et incurable génère une grande désespérance. Dès lors, si on cherche ce motif psychologique, on finira par le trouver. L'utiliser pour invalider une demande nous ferait entrer dans un cercle vicieux. L'évaluation du discernement devrait par conséquent être conduite selon des critères très stricts et se rapporter uniquement à l'évaluation de la capacité du patient à comprendre son état et à comprendre les conséquences de sa demande.

Je remercie Mme Fiat d'avoir évoqué la toilette mortuaire, parce que durant la période du covid-19, nous avons constaté la souffrance très profonde des soignants qui n'avaient pas été en mesure d'accomplir ce dernier geste de soins et qui avaient le sentiment d'avoir manqué à leur devoir d'humanité. La toilette mortuaire honore, humanise, personnalise le défunt, elle relève de la poursuite du soin, de son achèvement. L'aide à mourir, selon moi, relève d'une autre logique, qui ne la disqualifie pas, qui ne l'oppose pas au soin, mais qui est ce que j'ai appelé la reconnaissance partagée d'une finitude partagée, c'est-à-dire une forme de constat d'échec.

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