Intervention de Dr François Blot

Réunion du mardi 23 avril 2024 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Dr François Blot, président du comité d'éthique de l'Institut Gustave Roussy :

Je précise d'emblée que je m'exprime ici en mon nom, et en lien avec le collectif « Pour un accompagnement soignant solidaire ». Je suis favorable à un accès à l'aide active à mourir entendu comme geste soignant et fraternel, et je maintiens ce terme, « fraternel », qui nous est largement reproché. Cette conviction est le fruit d'un cheminement qui m'a mené d'une réticence face à la légalisation de l'aide à mourir à une position aujourd'hui ouvertement favorable et même moins restrictive que le texte du projet de loi.

L'opposition à l'aide active à mourir, au-delà de la préoccupation quant à la rupture de l'interdit de tuer ou au souci de solidarité avec les plus vulnérables, relève chez de nombreux soignants d'un refus viscéral, d'une impossibilité à imaginer pratiquer ce geste. Cette position est très recevable, très humaine, et il convient de l'entendre. Or, tout est fait pour théoriser et justifier ce rejet par des arguments sociétaux, philosophiques ou psychiques.

Les partisans de l'aide active à mourir, quant à eux, mettent en avant, et par-dessus tout, la valeur de la parole de la personne, sa volonté, son libre arbitre. En un mot, le principe d'autonomie, qui est complémentaire et non opposé à ceux de bienfaisance, de non malfaisance et de justice. Privilégier une présomption d'autonomie chez la personne, surtout lorsqu'elle réitère et confirme sa demande, c'est faire confiance à l'intelligence collective pour examiner cette demande, mais pas pour décider à la place de la personne. Il ne s'agit pas d'une posture de pouvoir et de toute-puissance, mais au contraire de sollicitude humble et d'effacement respectueux face à autrui, qu'on ne cherche plus, dès lors, à protéger contre lui-même.

Il convient de réconcilier ces deux visions dans un respect mutuel, celui de la parole des personnes malades d'abord et avant tout, mais aussi celui des opposants effrayés par ce virage sociétal et, plus encore, blessés dans leurs convictions.

Le projet de loi suscite des interrogations. Les questions de critères, de délais, de collégialité et certains flous sémantiques risquent d'entraver la marge de progrès de l'aide à mourir. Le titre Ier, intitulé « renforcer les soins d'accompagnement et les droits des malades », me semble désincarné. Nous ne trouverons pas les bons remèdes sans analyser les causes profondes des réticences soignantes, certes, mais aussi les causes d'une obstination déraisonnable endémique, de l'hyper technicisation de la vie, et, bien sûr, du tabou de la mort.

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