Nous réunissons la quasi-totalité des établissements d'hospitalisation à domicile (HAD), soit 282 structures. En 2023, ils ont accueilli 300 000 séjours au bénéfice de 165 000 patients. Durant la crise du covid-19, le nombre de séjours en soins palliatifs a crû de 30 %, et cette croissance était de 10 % entre 2022 et 2023. Les établissements d'hospitalisation à domicile sont présents sur tout le territoire, y compris dans les vingt départements dépourvus d'unités de soins palliatifs.
Le premier volet du projet de loi inclut les soins palliatifs dans l'ensemble plus large des soins d'accompagnement. Les soins palliatifs ont une définition précise et, à l'heure où s'exprime la volonté de les développer, il semble contradictoire de les occulter au profit des notions vagues de soutien et d'assistance. La nécessité de prise en compte précoce de l'enjeu palliatif semble acquise, et la Fédération espère que ses établissements, qui à ce jour ne peuvent intervenir dans cette phase précoce pour des raisons de tarification et de codification, pourront demain s'intégrer dans le processus.
Les maisons d'accompagnement représentent un heureux complément à l'offre hospitalière et une alternative bienvenue à une fin de vie au domicile pas toujours possible. Les initiatives existantes devront être intégrées à leur déploiement. Par ailleurs, nous souhaitons une distinction claire entre répit et aide à mourir : ces maisons d'accompagnement ne sauraient devenir des lieux privilégiés de l'aide à mourir. Le financement annoncé semble aussi en décalage avec les moyens nécessaires. Enfin, les plans personnalisés de fin de vie sont une excellente initiative. La vigilance s'imposera sur la formation des professionnels amenés à les établir, et sur la disponibilité des soignants que requiert cette approche dans un contexte de pénurie.
En résumé, nous nous demandons en quoi ces articles sur les soins palliatifs permettront de faire mieux. Ainsi que le Conseil d'État l'a noté, le projet de loi est dépourvu de dispositions budgétaires. Depuis 2018, plusieurs plans de soins palliatifs, dont le contenu satisfaisait les professionnels, n'ont pas trouvé de traduction concrète faute de moyens.
Concernant l'aide à mourir, j'aimerais faire une remarque sémantique. Le Conseil d'État a indiqué dans son avis que le projet de loi « a pour objet principal de créer une aide à mourir, entendue comme la légalisation sous certaines conditions de l'assistance au suicide et de l'euthanasie à la demande de la personne ». Pourquoi ne pas utiliser ces mots ?
Les conditions d'accès à cette aide à mourir sont strictes. Mais les exemples étrangers montrent qu'il ne faut guère d'années avant qu'elles soient assouplies. Par ailleurs, la collégialité requise pour la prise de décision n'est pas au rendez-vous : le texte décrit un simple recueil d'un avis, débouchant sur la notification de la décision par le seul médecin sollicité par le malade. Enfin, concernant la clause de conscience, que ferons-nous dans les établissements d'hospitalisation à domicile si tous les professionnels refusent d'être associés à l'aide active à mourir ?
Madame la présidente, vous avez déclaré dans un entretien récent que le projet de loi avait été co-construit avec les soignants. Je suis sûre que vous aurez à cœur de préciser : « des » soignants, non « les » soignants.
Lorsque le Président de la République a cité l'exemple d'un malade amené à se rendre à l'étranger pour être accompagné dans sa fin de vie, il a blessé de nombreux soignants tant cette situation est loin de la réalité. Nos concitoyens craignent de mal mourir, de souffrir. Intervenant nuit et jour auprès de patients fragiles, les soignants constatent qu'ils sont encore capables d'éprouver des joies, de faire des projets. Parfois, le vœu d'en finir est prononcé mais il s'agit souvent d'un appel au secours face à la solitude, l'indifférence et la peur. Ces malades demandent de l'empathie. La demande d'euthanasie est rarissime. Comment la confiance de nos patients ne serait-elle pas amoindrie si, au même titre que nous administrons des thérapeutiques, nous étions conduits à injecter un produit létal ? Cette démarche va à l'encontre de notre déontologie.
Le droit à mourir avec une assistance médicale serait l'ultime espace de liberté et de dignité. Mais en quoi la maladie est-elle source d'indignité ? Ce dispositif laisse craindre qu'il soit reproché à des personnes âgées, handicapées ou malades de ne pas en avoir fait usage. Pour ces raisons, la Fédération est défavorable au volet du projet de loi sur cette aide à mourir. Elle estime la France déjà dotée d'instruments législatifs permettant de répondre aux demandes de patients engagés dans un processus irrémédiable de fin de vie.