Les Calédoniens ont besoin de sérénité et de stabilité, non seulement pour apaiser les tensions entre leurs différentes sensibilités, mais aussi pour assurer la prospérité d'une île qui affronte des difficultés économiques préoccupantes, notamment du fait de la crise du nickel.
Pour une très grande majorité des indépendantistes, le gel du corps électoral constitue le cœur de l'accord de Nouméa : de leur point de vue, il est inenvisageable d'y toucher sans traiter de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Au-delà des postures, toutefois, le dégel du corps électoral pour les personnes nées sur l'île et celles qui y résident depuis au moins dix ans est relativement admis par toutes les parties, à l'heure où ce corps se réduit et exclut toujours plus de natifs. Rappelons que la proportion des électeurs inscrits sur la liste électorale générale, mais privés de droit de vote pour les élections des assemblées de province et du Congrès, est passée de 7,46 % en 1999 à 19,28 % en 2023. Sur les 25 000 personnes concernées par le dégel, 14 000 sont natives de Nouvelle-Calédonie. Sans modification des règles, cet écart ne pourra que s'accentuer.
Le Conseil d'État a rappelé que le corps électoral spécifique résultant de l'accord de Nouméa dérogeait aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage et qu'il devait être transitoire. Il estime ainsi que « les règles qui définissent aujourd'hui l'établissement du corps électoral de la liste spéciale pour l'élection du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie présentent un risque nouveau d'entrer en contradiction, d'une part avec les principes constitutionnels mentionnés […], d'autre part avec les engagements internationaux de la France […] ». Il nous faut donc avancer, sans laisser des combats partisans et politiciens propres à la métropole polluer des enjeux fondamentaux pour la démocratie calédonienne.
La recherche d'un consensus et d'une réforme institutionnelle profonde décidée par les Calédoniens doit être notre principal objectif. Veillons à ne pas replonger l'île dans une crise politique qui aggraverait la crise économique. Nous ne sommes pas à l'abri d'un boycott des élections par ceux qui voient le dégel du corps électoral comme un passage en force alors que nous voulons tous l'apaisement. Du point de vue technique, le dégel nécessitera que les communes participent à la modification des listes électorales. Mais qu'adviendra-t-il si certaines bloquent le processus ?